Cette année la cour des Comptes a mis dans son viseur Bpifrance. Dans un rapport définitif, dont une version préliminaire avait fuité il y a quelques semaines, l'institution a mis en garde la banque publique d'un éventuel risque de fuite en avant. Fruit du regroupement en 2012 d'Oséo, CDC Entreprises ainsi que du fonds stratégique d'investissement (FSI) et du FSI régions, la banque publique d'investissement distribue en effet depuis quelques années crédits et investissements en mode berzerk. En 2015, l'établissement a ainsi injecté pas moins de 18,8 milliards d'euros de fonds auprès d'un total d'environ 71 200 entreprises, lui conférant un caractère incontournable en matière d'acteur de crédit et de financement.
Atteignant maintenant des sommets, ce montant amène aujourd'hui la cour des Comptes dans son dernier rapport à demander à Bpifrance de lever le pied et de plutôt jouer la carte de la stabilité. Une stabilité qui pourrait d'ailleurs peut être se transformer en baisse en cas de changement de majorité au sortir des prochaines élections présidentielles, qui pourrait être tentée de modérer cette puissance financière publique née sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. « Bpifrance financement s’est très largement inscrite dans la continuité d’Oséo. La création du groupe a néanmoins donné une ampleur et une dynamique beaucoup plus fortes à ses interventions en matière de crédits aux entreprises. Compte tenu d’une situation aujourd’hui globalement sans tension sur le financement de celles-ci, c’est la stabilisation et non plus la croissance des interventions dans le domaine du crédit qui doit être l’objectif de la banque explique la cour. « Compte tenu de sa nature d'établissement de crédit, soumis à la supervision directe de la banque centrale européenne, Bpifrance ne doit pas prendre des risques inconsidérés qui se traduiraient inévitablement par des coûts pour le contribuable. »
Des coûts de fonctionnement attendus en hausse de 16%
Dans son rapport, la cour des Comptes pointe par ailleurs l'augmentation des charges d'exploitation de Bpifrance, mettant notamment en cause la forte progression des frais de personnel qui sont passés de près de 220 millions d'euros à 275 millions en 2015 et devraient atteindre plus de 282 millions d'euros cette année. Une croissance qui s'explique par la hausse des effectifs mais également l'évolution des rémunérations de certains cadres dirigeants. « On constate notamment une augmentation pas toujours justifiée des rémunérations de certains des cadres dirigeants [la cour] recommande de stabiliser les rémunérations des cadres dirigeants du groupe sur la durée du plan à moyen terme 2016-2019 de Bpifrance. « Sur huit cadres dirigeants, membres du comité exécutif et du comité de management général de Bpifrance, présents en 2012, sept ont enregistré une progression moyenne annuelle de + 12 % de leur rémunération moyenne (rémunération fixe et PVO) sur la période 2012-2015 (soit une augmentation moyenne de + 40 % sur l’ensemble de la période), l’un de ces cadres ayant bénéficié d’une progression totale allant jusqu’à + 66 % sur la période (soit une progression moyenne annuelle de + 18 %), fait savoir la cour.
Les coûts de fonctionnement, soit les charges d'exploitation hors impôts et masse salariale, ont quant à eux atteint 178,3 millions d'euros en 2015 et sont attendus en progression de 16% en 2016 pour dépasser 207 millions d'euros. Outre une politique immobilière coûteuse, la cour note aussi des frais élevés de déplacement et de représentation, 14,7 millions d'euros dont 3,5 millions d'euros pour les seuls frais de représentation représentant 1 600 euros par salarié de Bpifrance. « Le poste de dépenses le plus important concerne les véhicules de fonction, qui ont été budgétés à hauteur de 6,6 M€ en 2015, dont 5,8 M€ pour Bpifrance financement et 800 000 € pour Bpifrance participations », peut-on lire dans le rapport. « L’attribution de véhicules de fonction est très large puisque, pour Bpifrance financement, y sont éligibles un grand nombre de salariés, des directeurs de réseau aux chargés d’affaires, y compris, de manière surprenante, les responsables de services de back et de middle-office. » Au total, 604 salariés de Bpifrance (sur 2 000 employés) bénéficient d'une voiture de fonction, n'empêchant pas 9 des 10 directeurs exécutifs d'ajouter en plus des notes de taxis pour un montant total de 64 000 euros. Des frais de fonctionnement étonnants quand on sait que l'ambition première de Bpifrance est avant tout de financer des entreprises...
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