L’intérêt d’utiliser la blockchain dans la banque et dans l’assurance pour gérer l’exécution de contrats de façon automatisée (à partir de conditions pré-définies) est un sujet très discuté en ce moment. Dans un rapport issu d’entretiens approfondis avec des professionnels de ces deux secteurs d’activité, Capgemini arrive à la conclusion que l’adoption de ce type de contrats – qu’il désigne sous le nom de smarts contracts – permettrait de réduire les risques et d’abaisser le coût des processus administratifs et du service. Comme de nombreux acteurs de l’informatique, la première ESN française s’intéresse de près à cette technologie de grand livre distribué. En avril dernier, elle a créé une cellule de spécialistes pour étudier ses débouchés dans le développement des solutions Fintech et elle prévoyait de faire monter son effectif à une centaine de personnes d’ici la fin de cette année. Sur la blockchain, voir aussi le dossier LMI de ce mois : « La révolution blockchain s'accélère dans l'énergie, les services publics et la finance ».
Comme pour les contrats classiques, les smarts contrats sont des accords juridiquement contraignants établis suivant les conditions conclues entre les parties. Mais ils automatisent les transactions et permettent aux dites parties de s’engager sans passer par une autorité centrale. Leurs principales caractéristiques sont la programmabilité, l’authentification indépendante de deux ou plusieurs signatures et la capacité de faire appel à un tiers pour conserver les fonds (une banque). Les bénéfices apportés par l’utilisation de la blockchain - ou d’une autre technologie de grand livre distribué – nécessitent au préalable une redéfinition des processus et des changements importants dans les modèles opérationnels puisque que les entreprises doivent alors partager une vue commune du contrat. Dans son rapport, Capgemini a chiffré ces bénéfices potentiels qui, selon les domaines vont de 3 à 21 Md$.
Des prêts (un peu) moins chers pour les particuliers
Dans la banque d’investissement, la mise en place des smart contracts pourrait déboucher sur des cycles de décision plus courts pour les entreprises clientes, estime Capgemini. Ces délais pourraient ne pas dépasser 6 à 10 jours contre 20 jours ou plus aujourd’hui. Il pourrait en résulter une augmentation de la demande de 5 à 6% avec une progression des revenus de 2 à 7 milliards de dollars annuellement, dans les banques d’investissement en Europe et aux Etats-Unis. Dans la banque de détail, en restant sur les mêmes régions, cela pourrait faire baisser le coût des prêts pour les clients. Capgemini évalue des économies de 480 à 960 dollars par prêt pour le souscripteur, tandis que du côté des banques, la réduction du coût de traitement des contrats de prêt pourraient leur permettre d’économiser de 3 à 11 milliards de dollars par an. Enfin, dans l’assurance automobile, le recours aux smart contracts pourrait conduire à économiser 21 milliards de dollars par an, au niveau mondial, par l’automatisation et la réduction des procédures administratives. Les clients individuels pourraient espérer des primes d'assurance moins élevées si les assureurs répercutaient une partie de ces économies sur leurs contrats.
Dans son rapport, Capgemini fournit les exemples qui lui ont permis d'évaluer les économies potentielles que pourrait apporter l'automatisation des contrats dans les banques et l'assurance.
Des questions de sécurité et de confidentialité à régler
Bien sûr, l’automatisation des contrats soulève aussi certaines questions de sécurité et de confidentialité sur les données stockées dans les blockchains. Un certain nombre de start-ups se penchent en ce moment sur ces sujets pour essayer d’y apporter des réponses, rappelle Capgemini. L’interopérabilité avec les systèmes existants doit également être résolue, de même que l’évolution des capacités du système au fur et à mesure de l’augmentation des volumes à traiter. Les dispositions légales et réglementaires devront suivre, elles aussi. Capgemini signale par exemple qu’aux Etats-Unis, l’Etat du Vermont a posé les premiers jalons pour reconnaître les contrats blockchain dans un cadre juridique. Mais la technologie a également montré sa vulnérabilité. En juin dernier, par exemple, l’exploitation d’une faille dans The DAO, une organisation décentralisée ayant mis en œuvre la blockchain d’Ethereum, avait permis à l’un des utilisateurs de dérober 3 millions d’ether (monnaie virtuelle), ce qui correspondait à environ 36 M$.
Pour que ces smart contrats trouvent réellement leur place sur le marché et deviennent courants, il faudra attendre au minimum trois ans, estime Capgemini. L'ESN ajoute que d’autres types de contrats automatisés qui ne s’appuient pas sur le principe de grand livre distribué pourraient être viables dès la fin 2017. Quoi qu’il en soit, les institutions financières doivent s’y préparer, conclut le rapport.
Évidemment en tant que groupe de conseil et de services numérique, Cap a tout intérêt à alléguer un retour sur investissement pour justifier les juteuses factures qu'il présentera à ses clients pour la mise en place de telles solutions...
Signaler un abusCependant, il ne faut pas oublier qu'à l'origine la justification d'une infrastructure Blockchain c'est bien de se passer d'une autorité centrale, donc potentiellement d'une banque...
En fait, le Blockchain pour les banques, c'est un peu comme la banque numérique: elles sont contraintes d'y investir, sous la pression de la concurrence, mais elles n'ont pas tant de bénéfices à en tirer que d'espoir de limiter un peu les pertes qui en découleront...
Ce n'est pas parce qu'elles en escomptent en avantage qu'elles s'y lancent, mais parce que si elles restent à l'écart, cette négligence leur sera fatale.