Commanditée par l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), le Conseil Général de l'Economie (CGE), l’ANCT (Agence nationale de la Cohésion des Territoires) et depuis cette année, l’Arcom (l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), l'édition 2022 du Baromètre du Numérique dévoile ses résultats. Cette enquête, réalisée par le Credoc qui a interrogé 4 184 français sur la base d'un échantillon représentatif de la population (12 ans et plus résidant en France métropolitaine et interrogées par téléphone et en ligne), montre que le numérique s’est clairement imposé dans la vie quotidienne.
La proportion de détenteurs d’objets connectés a fortement progressé : + 7 points pour les utilisateurs de systèmes relatifs à la santé, la sécurité, la domotique ou à l’électroménager et pour les utilisateurs d’enceintes connectées. Désormais 40 % des répondants utilisent au moins un IoT et 27 % une enceinte connectée. Fait surprenant, la réalité virtuelle fait son apparition dans les objets du quotidien. Ainsi 7 % des sondés possèdent un casque de réalité virtuelle (probablement des gamers), un répondant sur cinq a déjà essayé cet outil numérique nouveau et 1 sur 5 aimerait le faire.
La multiplication des terminaux
Présent depuis longtemps dans les foyers, le téléviseur a su garder son aura. Il reste l’un des équipements numériques les plus présents au sein des foyers, qui le renouvellent fréquemment. En 2022, 95 % des répondants ont déclaré être détenteurs d’au moins un téléviseur, une proportion qui n’a pratiquement pas évolué en dix ans. « Le numérique représente 2,5 % de l’empreinte carbone nationale. Cette année nous avons fait un focus sur les téléviseurs où le taux d’équipement est très élevé » explique Maya Bacache, membre du collège de l'Arcep. En effet, près de la moitié des répondants détiennent leur téléviseur depuis moins de cinq ans. À l’inverse, ils sont seulement 20 % à détenir leur poste principal depuis plus de dix ans.
Multiplication des équipements dans les foyers des Français. (Crédit : Credoc)
Le smartphone, véritable couteau suisse du quotidien, est les plus utilisé, avec 87 % de la population équipée (+3 points par rapport à 2020). « Les usages numériques sont assez protéiformes » indique Maya Bacache. « Le smartphone est le terminal privilégié pour l’accès à internet. On ne fait plus que téléphoner, tous les aspects de la vie se retrouvent dans le numérique », ajoute-t-elle. Parmi les répondants équipés, 89 %, déclarent envoyer des messages grâce aux apps proposant ce service (+10 points par rapport à 2020) et 78 % les utilisent pour téléphoner (+11 points). Les Français utilisent l'Internet mobile tous les jours, y compris dans les moments d’attente ou de trajet considérés comme des « temps morts » au quotidien. Le smartphone est alors utilisé pour envoyer des SMS (76 %), naviguer sur internet (70 %), regarder des vidéos (50 %) ou jouer (47 %), et bien d’autres usages encore, au détriment des activités plus traditionnelles comme la lecture d’un livre ou d’un journal papier (53 % contre 63 % en 2013).
Les réseaux fixes et mobiles
Sur les réseaux fixes, même si le taux d’abonnements en accès internet se stabilise à 85 % de la population, la fibre devient pour la première fois majoritaire. La proportion d’utilisateurs équipés d’un accès fibre ou câble atteint ainsi 56 %, soit +17 points par rapport à 2020. L’accroissement du taux de connectés est élevé quelle que soit la taille de la commune, mais le lieu d’habitation a une incidence sur la technologie utilisée : 72 % des répondants habitant en agglomérations parisienne sont connectés en FttH ou en câble contre 34 % dans les communes rurales.
Ces écarts territoriaux se réduisent grâce à un rattrapage de l’agglomération parisienne par les communes rurales en cours. De même, les consommateurs sont de plus en plus attentifs quant à la qualité des services et l’insatisfaction reste concentrée sur des zones ultra localisées où la fibre n’est pas encore présente. Sur les réseaux mobiles, la qualité de service est jugée satisfaisante par 85 % des répondants, quels que soient leurs usages. Bien que des écarts de satisfaction entre les territoires persistent, ceux-ci se réduisent (-10 points par rapport à la dernière enquête en 2019).
Le e-commerce s’installe dans le paysage des habitudes
En dessous de 70 ans, la part des internautes dépassent 96 % dans chaque catégorie d’âge. Seules les personnes de plus de 70 ans se démarquent, avec tout de même 63 % d’internautes. Autre chiffre notoire : en moyenne, les Français regardent un écran 32 heures par semaine. Plus de la moitié de la population passe en moyenne plus de trois heures par jour devant un écran. Des résultats directement liés à la diversification des usages. La recherche d’emploi progresse lentement (29 % contre 26 % en 2017). Les actifs au chômage sont eux 83 % à utiliser internet pour chercher un emploi. Les démarches administratives et fiscales n’évoluent plus beaucoup sur le long terme, mais connaissent déjà un niveau élevé (71 % de la population comme en 2020, contre 67 % en 2017).
On note par ailleurs que les usages du e-commerce sont restés post-confinement. Avec la crise sanitaire, les habitudes se sont installées et la part des acheteurs en ligne qui a bondi pendant la crise sanitaire n’a pas baissé (77 % contre 76 % en 2020). « Rapidité et fiabilité de la livraison sont les critères les plus importants » relève Maya Bacache. Toutefois, certains usages ont perdu en notoriété, à l’instar des réseaux sociaux (62 % contre 67 % en 2020), déjà rejetés par les plus jeunes depuis quelques années (68 % contre 84 % en 2017).
La sécurité et la confiance pointées du doigt
L’actualité montre que le numérique est sujet à des risques (cyberattaques, arnaques, perte des données, etc.). Les résultats de l’enquête montrent que plus de 50 % des sondés estiment qu’ils ont certainement (à 18 %) ou probablement (à 38 %) été personnellement victime d’un accès indésirable à leurs données personnelles par internet. Ainsi, beaucoup prennent des précautions avec une vigilance plus (55 %) ou moins (38 %) constante. Les sondés s’intéressent également à la question du traitement des données. Les CGU d’un réseau social ou d’une plateforme de partage de vidéos ont été consultées par 52 % des internautes.
Parmi les internautes ayant pris connaissance au moins une fois des conditions générales d’utilisation, 77 % indiquent que ces informations sont facilement accessibles. La facilité de compréhension semble en revanche moins au rendez-vous et 53 % des internautes qui ont consulté ces CGU estiment qu’elles sont aisément compréhensibles. De même, les utilisateurs sont plus enclins à recourir aux dispositifs mis en place par les réseaux sociaux ou les plateformes de partage de vidéos. Résultat : 42 % des internautes ont déjà signalé un compte ou des contenus inappropriés. Les auteurs de signalements considèrent assez largement que les dispositifs mis en place sont facilement accessibles (87 %), simples d’utilisation (85 %) et aisément compréhensibles (80 %).
La maîtrise complète des outils n’est pas pour demain
48 % des Français éprouvent au moins une forme de difficulté qui les empêche d’utiliser pleinement les outils numériques et internet (+13 points par rapport à 2020). Plus que l’équipement ou l’accès à internet, c’est la complète maîtrise des outils numériques qui reste le premier frein à la pleine utilisation du numérique (25%, +7 points par rapport à 2020). « La crise Covid a permis à certains de monter en compétences » observe Pierre-Louis Rolle, directeur stratégie et innovation de l’ANCT, lors de la présentation des résultats de l’enquête. Cependant, les réponses sur l’inclusion numérique montrent un accroissement des inégalités sur la maîtrise des usages numériques, notamment dans les démarches en ligne. Deux ans après le début de la crise sanitaire, en moyenne, plus d’un Français majeur sur deux estiment mieux maîtriser ces outils (56 %). Toutefois, cette moyenne est sous-tendue par de grandes disparités. « Le pourcentage a augmenté sur les difficultés à effectuer des démarches en ligne » grimpant à 54 %, soit +16 points par rapport à 2020. Les Français préfèrent un accompagnement en ligne (40 %, +16 points par rapport à 2020).
Jean-Noël Barrot commente ces résultats : « Il est essentiel, année après année, de comprendre quelles sont les évolutions dans les habitudes des français ainsi que les questions et les inquiétudes que le numérique soulève. Cette étude nous permet, au gouvernement, d’affiner les dispositifs. Le gouvernement doit apporter des réponses aux inquiétudes, notamment sur l’accessibilité, la sécurité et la soutenabilité ». Cela devrait se traduire par plusieurs axes de travail. Tout d’abord, le droit au très haut débit (au moins 30 Mbit/s, peu importe le type de connexion). En parallèle, il s’agit de structurer, coordonner et pérenniser la politique d’inclusion numérique menée grâce à la coordination de groupes de travail. Le gouvernement vise l’accompagnement vers la maîtrise et, in fine, l’autonomie dans les usages. Par ailleurs, il s’agit de sécuriser l’espace numérique ; le développement d’un filtre anti-arnaque est en cours ainsi qu’un accès plus surveillé des mineurs à certains sites. Enfin, sur le plan de la durabilité, l’Etat veut accélérer la filière du reconditionnement, encore trop peu exploitée.
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