Dans l'agroalimentaire, les sources de volatilité de la supply chain sont pléthore. Le fabricant breton de madeleines et de crêpes fourrées Goûters Magiques tente désormais de pallier ces aléas au maximum. Pour cela, il a mis en place une organisation spécifique et déployé la solution de Vif, éditeur français d'ERP et de SCM spécialiste du secteur agroalimentaire.
Avec près de 700 employés et un CA de 214 M€, l'entreprise bretonne fabrique des madeleines longues, des madeleines coquilles et des crêpes au chocolat sous 3 marques. Et pour ce faire, elle fait face à une supply chain complexe sur différents niveaux. A commencer par les 170 fournisseurs auxquels elle fait appel, comme l'a précisé son directeur supply chain et achats, Thomas Pesson, à l'occasion du Supply Chain Event 2024, qui s'est tenu à Paris les 12 et 13 novembre.
L'équilibre entre volatilité amont et aval
« Dans la supply chain, nous devons trouver le meilleur équilibre entre la volatilité amont et la volatilité aval », a d'abord rappelé ce dernier. En amont, on parle « changement climatique - impact sur les cultures avec un rendement du blé catastrophique en Russie cette année, mais très bon aux USA -, contexte géopolitique avec l'Ukraine bien sûr, prix de la tonne de cacao record à 10 000 £ à Londres lié à une très mauvaise récolte au Ghana et en Côte d'Ivoire qui représentent 60% de l'approvisionnement, crise de la grippe aviaire, pénurie de main-d'oeuvre qui va jusqu'à empêcher de démarrer une ligne de production, etc. ». La liste est longue ! Et la supply chain n'est pas exempte non plus de perturbations en aval avec les mouvements dans la grande distribution, par exemple la reprise de magasins Casino par Les Mousquetaires et Auchan Retail.
Pour Thomas Pesson, il faut activer trois leviers : un processus de planification de la production pour le court terme (S&OE, sales and operations exécution), une organisation adaptée et d'indispensables outils logiciels stables. Avant de déployer ceux-ci, l'ETI a mis en place un processus hebdomadaire très structuré de S&OE, rythmé par des rituels chaque jour de la semaine. Tous les lundis, une personne de l'équipe supply chain réalise une prévision des ventes et une autre établit le plan de production, article par article, de la semaine S+1 à S+30. Ils ont respectivement besoin des entrées d'autres services comme le marketing, ou de données sur l'évolution des ventes la semaine précédente. Le mardi, la main passe à l'usine où un ordonnanceur réalise chaque jour une planification des ressources nécessaires (MRP). Lui aussi a besoin des données de la semaine précédente.
Les stocks de sécurité, indicateurs clés
Chaque semaine enfin, Thomas Pesson procède à une revue de performance. « Il s'agit de prendre du recul sur la semaine précédente et les semaines à venir, de mesurer la performance [taux de service, précision des prévisions, couverture des stocks et pénalités, etc.] et d'estimer les risques et opportunités tant en amont qu'en aval à l'aide de différents indicateurs. La maille, c'est le code article et la semaine ».
Thomas Pesson, directeur supply chain et achats de Goûters Magiques, à l'occasion du Supply Chain Event 2024, à Paris, le 13 novembre.
Un des objectifs est de gérer la volatilité avec un stock de sécurité. Les premiers indicateurs à calculer sont les niveaux minimum et maximum de ce dernier, ainsi qu'un positionnement de ce stock de sécurité plus ou moins proche du minimum ou du maximum. « Ces indicateurs clés permettent de mesurer l'incertitude sur la chaîne et de dimensionner nos stocks pour faire face », a expliqué le directeur supply chain et achats. Typiquement, dans l'agroalimentaire, il faut par exemple des stocks pour couvrir le temps de contrôle qualité avant libération de la marchandise, le transit vers ou à partir de l'outil de production ou le délai nécessaire aux formalités douanières, etc.
Une solution cohérente en matière de data
Le deuxième levier activé par l'ETI réside dans une organisation qui implique des experts de ses marchés et de ses produits. Et les équipes de planning supply chain sont adaptées au nombre d'articles, de clients, de sites et à la complexité des lignes de production. Enfin, le 3e levier, c'est la solution logicielle. Goûters Magiques a opté pour trois modules de l'éditeur Vif : prévision des ventes, planification de la production et calcul de besoin net (CBN) et MRP pour la planification des ressources.
« Nous avons choisi Vif pour l'ensemble de la chaine de planification, l'élaboration de la prévision des ventes [demand plannning], la planification de la production [inventory and capacity planning] et le MRP », a expliqué Thomas Pesson. Goûters Magiques avait déjà sollicité l'éditeur pour son MES (Manufacturing Execution System) afin d'améliorer la performance de ses lignes de production via une mesure du TRS (taux de rendement synthétique de l'appareil industriel) en temps réel. Et l'industriel a de nouveau choisi Vif après avoir vu l'outil tourner chez d'autres industriels agroalimentaires, et pour des questions de cohérence de data entre les prévisions de vente, la planification de la production et la production proprement dite.
L'importance centrale de la simulation
Pour la planification des ventes, la solution applique des algorithmes statistiques. Autre point d'attention dans ce cadre, le niveau de détails concernant les clients doit être le même pour tous les services, de la production à la finance. Le directeur supply chain et achats a également insisté sur l'importance du processus de création d'articles et de codes articles. La donnée qui doit être la plus rapidement disponible dans le système. « Les algorithmes autoadaptatifs sont une vraie aide. De même que la capacité d'intégrer des événements prévisionnels, comme les promotions commerciales ». Et de mettre également l'accent sur l'extrême vigilance portée en amont sur la fiabilité de la data. « Une fiabilité qui repose aussi sur l'organisation », a-t-il indiqué. « Je n'ai pas d'IA, a également ironisé le directeur de la supply chain et des achats, mais j'ai un super planificateur qui a un historique dans la tête, et sait repérer les calculs de stocks aberrants qui sortent de la solution ».
En ce qui concerne le module de planification de production, Thomas Pesson a insisté sur l'intérêt de la visualisation graphique des stocks de sécurité minimum et maximum. « J'attache plus globalement beaucoup d'importance à la capacité des outils à simuler », a-t-il ajouté. « Est-ce que je dois passer en trois équipes ? Est-ce que j'ai un risque d'excédent dans ce cas ? C'est la différence essentielle entre un ERP généraliste et un outil très spécialisé ». Quant à la planification des ressources, il s'agit d'un module plus standard, selon le directeur de la supply chain et des achats. Module qui participe cependant lui aussi à l'adaptation aux aléas, chez les fournisseurs par exemple. « Notre fournisseur de film en Suède s'est retrouvé saturé et est passé de 6 à 12 semaines de délais », a illustré Thomas Pesson. « Dans ce cas, il faut être capable de moduler les délais d'approvisionnement pour adapter la production ».
Des data et un langage communs à toute l'entreprise
Enfin, le directeur de la supply chain et des achats de l'ETI a trouvé plusieurs effets collatéraux bénéfiques au déploiement de la solution. À commencer par un même et unique ensemble de données pour toute l'entreprise, mais aussi l'utilisation d'un langage commun en matière de ventes, de production, de planification. « Pour les unités, nous utilisons tous la tonne et non plus le nombre de cartons, par exemple ! ». Des éléments qui ont conduit les différents services à travailler de manière plus collaborative, et qui donnent « une plus grande fluidité tout au long du cycle de vie. Nous savons exactement ce qui nous reste comme matière, comme produits finis à risque, ce qui nous permet de prendre les bonnes décisions beaucoup plus sereinement et de manière anticipée », a détaillé Thomas Pesson.
Mais, comme il l'a rappelé par ailleurs, « la volatilité est une fatalité que nous devons intégrer dans nos processus, et cette solution, cette organisation, ne représentent qu'une partie de la réponse. Le S&OP en est une autre, ainsi que la rationalisation des produits finis et une rationalisation de la matière première dans notre portefeuille incroyablement complexe avec des fournisseurs de plus en plus contraints. Sans oublier l'importance cruciale de la stratégie achats ».
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