L'heure a sonné pour les filiales françaises des grands fournisseurs technologiques. Après AWS, Dell ou encore IBM, c'est Microsoft qui a réuni ce jeudi 19 septembre la presse pour un point de rentrée, à Paris. Comme l'année dernière, c'est également sur le thème de l'intelligence artificielle et ses dérivés (apprentissage machine, profond...) que l'éditeur a principalement orienté sa présentation. En effet, point de détails ce matin sur les revenus et leviers de développement du groupe dans l'Hexagone, juste un commentaire sur les croissances des principales activités tirant le business (cloud, Dynamics et Office 365) qualifiées de « fantastiques » pour Carlo Purassanta, directeur général de Microsoft France.
« La question est de faire en sorte que la technologie créée des opportunités pour tout le monde », a surtout fait savoir Carlo Purassanta en introduction de séance. « Les nouvelles technologies n'appartiennent pas qu'aux Etats-Unis et à la Chine, on peut construire de la valeur au-dessus de cela, être militant pour une offre plurielle et aider les ISV à créer de la valeur ». Parmi elles, l'IA sous toutes ses formes (applicatifs, infrastructure, services cognitifs...) occupe une place de choix dans la stratégie de la filiale française de Microsoft, mais se trouve bien aussi au coeur de l'innovation de nombre de ses clients. Et ce dans de multiples domaines, aussi bien de l'industrie textile, que des services bancaires en passant par les laboratoires en recherche médicale.
Smuggler vers l'usine connectée et autonome
Laminé pendant des années, le secteur de l'industrie textile français a gravement souffert de la concurrence étrangère, en particulier d'Extrême Orient mais également d'Europe de l'Est aux capacités de production importantes, à très bas coûts. Mais le pire pourrait bien être derrière. « En 2018, 60 usines ont été créées en France », a rappelé Laurence Lafont, directrice exécutive de Microsoft France. Parmi les entreprises françaises qui ont pris la crise de plein fouet, l'enseigne de confection pour hommes Smuggler créée en 1978, qui aujourd'hui revitalise son activité avec la transformation digitale. « Nous allons vers l'usine du futur pour transformer le parcours client, accompagner les forces de ventes pour mieux comprendre les besoins, faciliter les échanges, concevoir, produire différemment et personnaliser les costumes », a expliqué Gilles Attaf, délégué général de Smuggler.
« Nous allons utiliser de la maintenance prédictive ce qui va nous aider à rattraper les coûts pour mieux concurrencer les BRIC et aussi robotiser plus fortement », a expliqué Gilles Attaf, délégué général de Smuggler (à gauche) aux côtés du directeur général de Microsoft France Carlo Purassanta. (crédit : D.F.)
La construction de l'usine du futur de Smuggler, localisée au siège historique du groupe à Limoges, doit débuter début 2020. Si des financements complémentaires sont encore recherchés par le groupe, il est certain que cette installation fera appel à des technologies innovantes afin de la rendre plus connectée et autonome. « Nous allons utiliser de la maintenance prédictive ce qui va nous aider à rattraper les coûts pour mieux concurrencer les BRIC et aussi robotiser plus fortement », poursuit Gilles Attaf. Pour accompagner cette transformation, la société compte par ailleurs créer une école interne pour « former les anciens salariés, faire revenir les jeunes et servir d'ascenseur social au travers de cet enjeu de réindustrialisation ».
Jusqu'à 98% de réussite de diagnostic du lymphome grâce à l'IA
Autre entreprise ayant témoigné de l'utilité de mettre en place des technologies innovantes : Younited Credit, spécialisé dans le crédit aux particuliers, qui utilise les briques Azure et IA de Microsoft. « Cette technologie permet d'automatiser et de répliquer les avis d'un expert humain, d'augmenter la satisfaction en termes d'expérience utilisateur et de parcours client mais aussi réduire les coûts et augmenter la productivité », a expliqué Pierre-Marin Campenon, responsable du développement de Younited Credit. « En termes de gestion de risque, cela permet une prise de décision plus rapide mais il ne s'agit pas de remplacer l'humain ».
Outre l'industrie et les services, c'est également dans le médical que l'IA est utilisée par des entreprises françaises pour accompagner leur stratégie d'innovation. Précisément pour l'Institut Carnot Calym, spécialisé dans la recherche et le développement de solutions pour le traitement et le diagnostic du lymphome. Avec 17 000 nouveaux patients diagnostiqués en France par an (2 millions au niveau mondial), l'objectif est de trouver des moyens efficaces pour détecter des lymphomes - dont la variété est très grande - le plus tôt possible. Pour y parvenir, l'organisme a constitué un datalake sur lequel ont été appliqués des algorithmes permettant de travailler au développement et à l'utilisation de l'IA pour rendre les diagnostics plus efficaces.
« Nous avons scanné les résultats des biopsies en HD que l'on a donnés à la machine en indiquant ce qui était du cancer et ce qui n'en était pas », a exposé ce matin Emmanuel Gomez, directeur R&D de l'Institut Carnot Calym. « A la fin, nous arrivons sur ces cohortes d'apprentissage à 90-98% de réussite et voyons quel est l'endroit de la lame regardé, ce qui permet à la machine de montrer des choses que l'on a pas vues aujourd'hui ». Les experts en hémopathie ont-ils à craindre des performances de la machine susceptible de les remplacer ? Rien n'est moins sûr : « L'ambition, c'est d'avoir un outil d'aide au diagnostic prédictif de précision pour le clinicien qui peut orienter sa prise en charge. L'IA saura détecter les formes de lymphomes les plus courantes, mais il y aura toujours des petites spécificités, il y aura toujours besoin de l'humain et la prise de décision reste dans les mains du clinicien ».
500 apprenants dans 20 promotions IA en 2020
Outre les usages, c'est du côté de la formation que Microsoft a également mis l'accent dans son point presse de rentrée au travers d'un bilan et de perspectives autour de son projet d'école IA avec Simplon, créé en 2018. « Nous avons commencé avec une première promotion, nous sommes à 10 cette année et nous avons une ambition pour l'année prochaine de passer à 20, cela veut dire 500 apprenants en 2020 », a annoncé Carlo Purassanta. Pour ce nouveau cru, les axes de formation seront autour de l'industrie et des territoires français avec dans les tuyaux la création d'une filiale agritech avec des clients de Microsoft.
Yvette Boidi (au milieu) a été apprenante de la première promotion de l'école IA Microsoft/Simplon en 2018 a vient d'être recrutée par CGI en CDI pour des missions autour de l'analyse sémantique et de l'automatisation des traitements et des chatbots. (crédit : D.F.)
Concernant le bilan de la première promotion de l'école IA, il est très satisfaisant pour Microsoft et Simplon, avec des contrats à durée indéterminée à la clé pour tous ceux qui sont sortis de la formation de 7 mois et d'un contrat de professionnalisation de 12 mois. Yvette Boidi, ancienne apprenante de la première formation IA de Microsoft/Simplon, en a fait partie. « J'ai commencé avec 7 mois de formation en Javascript mais ce que j'aime bien c'est l'analyse back-end [...] C'était vraiment très intense, on s'entraidait entre nous pour avancer au même niveau et cela a été très enrichissant [...] Après les 7 mois, j'ai intégré CGI [en CDI] pour des missions sur l'analyse sémantique, des chatbots automatisés, des analyses d'images pour alléger le travail des métiers et automatiser les traitements répétitifs »
Pour 2020, Microsoft France va par ailleurs s'engager sur un autre terrain d'emploi, celui de l'inclusion des intelligences atypiques, soit des personnes atteintes de syndrome type Asperger. Comment leur faciliter l'accès à l'emploi afin de « faire d'un pépin une pépite ». En France, on recense 700 000 autistes dont 500 000 en âge de travailler et 85% sont sans emploi. Parmi les personnes touchées, 12 000 ont une appétence en IA avec des traits de caractère de perfectionniste et de loyauté. « Nous allons ouvrir cette promotion IA en même temps que la classique sachant qu'entre les deux des synergies et des ponts sont envisagés », a indiqué Carlo Purassanta. Afin de soutenir cette initiative, un appel est d'ailleurs lancé aux entreprises pour s'embarquer dans cette nouvelle aventure.
Commentaire