En général, la réduction de la dette technique IT ne figure pas parmi les priorités les plus courantes des entreprises lorsque ces dernières sont interrogées sur le sujet. Mais il est apparu qu’avec l’accélération des projets de transformation numérique engagée depuis mi-2020, les niveaux de dette technique ont progressé de façon significative l’an dernier, selon le rapport Situation Report 2022 de Software AG auprès de 700 décideurs informatiques aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France. En tout cas, dans les entreprises qui sont en mesure de l’évaluer.
La dette technique peut se définir de plusieurs façons. Dans son rapport Reality Check 2022, l’éditeur de logiciels allemand la décrit comme « un développement qui n’est pas terminé au moment de la mise en ligne d’une application » et qui va nécessiter, par la suite, des ajouts de code ou des modifications. Par analogie, on peut la comparer à l’utilisation d’une carte de crédit qui permettrait d’entrer rapidement en action alors qu’on ne dispose pas des liquidités pour le faire. « La dette technique n'est pas intrinsèquement positive ou négative, c'est simplement une condition pour fonctionner de manière agile », exposent les auteurs de l’enquête. « Mais la façon dont elle est accumulée peut avoir un impact significatif sur le fait qu'il s'agisse d'une bonne ou d'une mauvaise dette ».
Intentionnelle ou involontaire
L’augmentation de son niveau peut être considérée à la fois comme intentionnelle et non intentionnelle, note Software AG en ajoutant que, lorsqu’elle est involontaire, elle est bien plus souvent négative. Elle peut résulter par exemple de quelque chose qui a manqué dans le développement original. Il y a ensuite celle qui émerge au fil du temps avec l’évolution des normes, des règlementations ou de la transformation des entreprises. Pour 44% des répondants à l’enquête, la dette technique s’est simplement accumulée à mesure que leur infrastructure devenait plus complexe. Mais 48% indiquent qu’une partie de cette dette a constitué une méthode délibérée pour capitaliser sur des opportunités. Sur fond de pandémie, 56% déclarent qu’ils ont dû agir rapidement et se sont trouvés contraints de l’accepter.
Trois cas de figures génèrent plus particulièrement de la dette technique : les nouveaux produits digitaux (39%), la modernisation des infrastructures (34%) et l’analyse/intégration de données (32%). « Ce sont les trois causes les plus courantes, toutes trois étant des éléments essentiels de la transformation numérique et des opérations quotidiennes », pointe Software AG. Les autres causes de dette technique sont les nouveaux services clients, les initiatives internes et les activités de fusion/acquisition. (agrandir l'image)
Des raisons positives pour la justifier
L’enquête montre aussi que la perception de la dette technique change et que l’on peut même avancer des raisons positives pour en expliquer l’augmentation. 86% des décideurs IT interrogés la justifient par le lancement plus rapide de produits et services et une proportion équivalente d’entre eux l’expliquent aussi par la mise en place du travail hybride. Par ailleurs, selon 83% des répondants, la situation de pandémie a augmenté l’acceptation de cette dette et près de 9 entreprises sur 10 (88%) affirment aussi que la crise sanitaire a renforcé leur prise de conscience de la dette. Néanmoins, le défi sur les deux prochaines années sera de savoir la gérer de façon formelle. Parmi les répondants, 58% disent avoir une stratégie pour le faire. Pourtant, seuls 42% disent pouvoir l’évaluer entièrement et 40% estiment être capable d’en évaluer la plus grande partie.
Les défis pour la réduire : données silotées, bugets limités...
Alors, la dette technique est-elle une stratégie pratique ? « La réponse courte est oui », répond Software AG. En 2022, une majorité d’entreprises (68%) va augmenter ses budgets informatiques et 78% des organisations suggèrent que l’accélération du lancement de nouveaux produits ou services sera pour elles une priorité (priorité absolue pour 14% d’entre eux ou élevée pour 64%). « Nous savons déjà que la dette technique fait partie intégrante, voire essentielle de ce processus », pointe l’enquête.
D'après les réponses des décideurs IT sondés, les trois principaux investissements qui créent de la dette technique sont la 5G, le cloud computing et l'IoT. (Crédit : Software AG)
Quelles sont les principales difficultés à surmonter pour s’attaquer à la dette technique ? En premier lieu, le fait que les données et processus soient réparties en silos, citent 31% des répondants, et que les budgets soient limités, pour 30% d’entre eux. Viennent ensuite les contraintes réglementaires (citées par 28%), le manque d’alignement interne (27%) ou de plateforme d’intégration (26%). Environ 21% cite la mise en oeuvre du multi-cloud, 20% le manque d’outils et de compétences. Enfin, 18% évoquent le fait que ce ne soit pas une priorité métier.
En conclusion, créer de la dette technique est une stratégie que les entreprises peuvent adopter pour devenir plus réactives et continuer leur transformation numérique, souligne l’enquête. Sur ce point, 81% des organisations affirment que la modernisation de leurs technologies existantes sera une priorité absolue (19) ou élevée (62%) en 2022. Il va donc falloir établir un équilibre entre l’accumulation et la gestion de la dette technique en réduisant au minimum l’imprévu.
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