Au ministère des Armées, les RH sont des RH de masse, comme le rappelle le colonel Antoine Nollet, chef du Bureau maîtrise de la donnée au sein de la direction des ressources humaines du ministère des Armées. L'Armée de terre, ce sont 130 000 actifs, 26 000 réservistes et 137 000 appelables. Et chaque année, l'institution recrute ou accompagne vers la suite de leur carrière 15 000 soldats.
« Nous ne sommes pas inquiets quant à notre capacité à recruter, a précisé le colonel Nollet à l'occasion de la conférence Everyday AI de Dataiku, à Paris. Mais il ne s'agit pas juste de recruter un soldat. Il faut le bon soldat au bon poste à tout moment. Il faut qu'il ait reçu la bonne formation. Et il faut surtout qu'il ait l'âme, le coeur pour sortir de la tranchée avec son chef, faire confiance à son chef, faire confiance à son subordonné. Or, il est difficile de conserver un regard de qualité sur ces paramètres lorsqu'on recrute 15 000 personnes par an, uniquement pour l'Armée de terre ». A cela s'ajoute le fait que les RH de l'Armée sont spécialisées, avec des formations dédiées qui n'existent pas ailleurs.
Alignement des tableaux de bord RH
Pour cette raison, l'Armée de terre s'est donc lancée dans un projet d'accompagnement des processus RH par la data et l'IA. Dès 2008, le ministère des Armées a réalisé une importante convergence de ses SI, comme l'a rappelé le colonel Nollet, et est aujourd'hui à la tête de 15 ans de data sur 250 000 personnes. Mais ces données n'étaient jusqu'à récemment accessibles que via des infocentres par le biais d'un requêtage de type SQL. « Ma mission consiste à permettre à l'Armée de terre d'utiliser ses données RH de façon ouverte », résume le chef du Bureau maîtrise de la donnée. « Mais je ne peux pas communiquer avec mes supérieurs comme un informaticien. Je n'arriverais pas à les convaincre d'adhérer aux projets de cette façon. Je dois utiliser leur vocabulaire ».
Le ministère a donc aligné ses tableaux de bord RH, pour que chacun dispose de la même information - et non de la même data - au sein des régiments, des brigades et des échelons de commandement les plus élevés. Dans ce cadre, l'Armée de terre s'est tournée vers la plateforme Dataiku, pour préparer les data, Qlik, pour les exposer, et plusieurs outils de requêtage. Deux brigades ont déjà été formées à l'utilisation des nouveaux tableaux de bord.
Machine learning et NLP pour fidéliser les soldats
Par ailleurs, au-delà du recrutement, l'Armée de terre cherche à fidéliser les soldats, et en particulier garder ceux qui terminent leur primo-contrat de 5 ans. « Le sujet de la fidélisation n'est pas nouveau, insiste le colonel Nollet. Nous y réfléchissons à tous les échelons de la hiérarchie depuis la professionnalisation des armées, il y a maintenant 25 ans ». Le projet data de fidélisation des soldats, également développé avec Dataiku, est aussi et surtout un projet d'IA appliquée à des données non structurées. « Nous nous appuyons sur du machine learning et du NLP (natural language processing) pour chercher des informations dans les commentaires des recruteurs, les avis de mobilité, des messages de félicitations, etc. De plus, avec l'IA, nous allons chercher de la profondeur dans le temps ». La solution exploite en effet 10 ans de data et un peu plus de 80 000 dossiers préalablement nettoyés. « Et cette démarche est possible parce que nous exploitons les projets data déjà existants, insiste le colonel Nollet. Sans cela, le projet aurait été très long à démarrer. »
Ce modèle d'IA a été construit avec les métiers qui s'occupent des militaires et de leurs dossiers au quotidien. « Ils nous ont expliqué que, pour comprendre comment fidéliser un soldat, il fallait aussi contextualiser la garnison, contextualiser l'unité et suivre le parcours individuel, raconte le chef du Bureau maîtrise de la donnée. Nous sommes donc partis de ces 3 blocs et ensuite nous avons travaillé, toujours avec les métiers, à l'intérieur de chacun des blocs ».
Rendre l'algorithme acceptable
Une fois que l'algorithme a commencé à fonctionner, une question importante s'est posée aux équipes : comment le mettre entre les mains de la chaîne de commandement ? « Cette fois, il a fallu s'appuyer sur un autre type d'expertise. Pour construire le modèle, l'équipe data s'est tournée vers la sous-direction études et politiques. Autrement dit, le commandement ». C'est l'étape actuelle du développement data et IA des RH du ministère des Armées. L'algorithme tourne, reste désormais à le rendre acceptable.
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