Ce n’est pas le premier VMware Explore (ex VMworld), mais celui qui s’ouvre la semaine prochaine à Las Vegas aura une teinte particulière. Il s’agit en effet du premier évènement du spécialiste de la virtualisation depuis le rachat officiel (en novembre dernier) par Broadcom. L'opération de 69 Md$ a soulevé des questions parmi les entreprises clientes dès qu'elle a été annoncée en mai 2022 : à quoi ressemblera le nouveau VMware ? Broadcom augmentera-t-il les prix, introduira-t-il de nouveaux modèles de licence ou rationalisera-t-il les produits ? À ce jour, l'acquisition a entraîné des licenciements, des arrêts de produits et des changements dans le programme partenaire.
VMware compte environ 300 000 clients, note Stephen Eliot, vice-président du groupe IDC. « Cela signifie que vous avez tous les types de clients imaginables - petits, moyens et grands », déclare-t-il. Parmi la vaste base de clients, certaines préoccupations constantes sont restées au premier plan à l'approche de la conférence annuelle. L'une d'entre elles est que les clients veulent continuer à bénéficier de l'innovation dans l'ensemble du portefeuille VMware, explique le dirigeant. Ils souhaitent également que l'accent soit mis sur l'intégration, le design de l'interface et un chemin d'adoption plus facile. « Ils sont avides de séances sur la feuille de route et la stratégie d'architecture », observe-t-il. « Ils recherchent également un support en matière de valeur crée lorsqu'ils développent les cas d’usage à l’intention de la direction générale », ajoute le consultant. En outre, « les clients sont preneurs d’aide pour travailler avec leurs équipes internes afin de vendre la valeur de VMware à davantage de clients au sein de l'organisation IT » constate Stephen Elliot.
Une incertitude profonde
Dès le départ, le rachat a suscité de réelles inquiétudes, voire de l'animosité, parmi les clients. « L'acquisition de VMware par Broadcom perturbe les stratégies de plateforme établies et a un impact sur la supply chain, les achats, la budgétisation et les feuilles de route architecturales, y compris les partenariats stratégiques », déclare Julia Palmer, vice-présidente de la recherche chez Gartner. Ce dernier a interrogé ses clients sur le rachat et a constaté que 56 % des sondés « très préoccupés », tandis que 42 % adoptent une approche attentiste. De même, Naveen Chhabra, analyste principal au cabinet d'études Forrester, déclare que les entreprises « sont inquiètes de leur exposition à VMware car elles ne savent pas à quoi ressembleront leurs renouvellements ». « Les responsables IT des grandes entreprises envisagent d'autres solutions », précise-t-il tout en ajoutant que cette réflexion se heurte à une certain nombre de problèmes.
Les entreprises s'inquiètent de la rapidité avec laquelle elles peuvent passer à une autre plateforme et se demandent si les fournisseurs et produits alternatifs offrent les capacités dont elles ont besoin. Elles veulent savoir également si les solutions alternatives proposent simplement un produit de remplacement ou si elles s'intègrent réellement dans leurs écosystèmes informatiques existants. « Chaque jour, je discute avec des entreprises clientes de VMware », explique Naveen Chhabra. « Je les conseille sur les options et les stratégies pragmatiques. Je pense que l'éditeur s'est attiré plus d'animosité qu'il ne le mérite ou qu'il n'en a besoin à ce stade. Les clients considéraient l'éditeur comme un partenaire, mais maintenant ils le considèrent comme un « mal nécessaire » et ce changement s'est produit presque du jour au lendemain » après l'acquisition.
L’inquiétude sur l’augmentation des prix reste très présente
Wakefield Research a mené une enquête en juin 2024 pour le compte de CloudBolt Software, un fournisseur de services de gestion financière cloud. Les résultats donnent une idée de la fragilité de la situation pour de nombreux clients de VMWare. Le cabinet d’études a interrogé 300 décideurs informatiques d'entreprises de divers secteurs qui utilisent les solutions du spécialiste de la virtualisation, et a constaté une appréhension généralisée parmi eux à la suite de l'acquisition de Broadcom. En fait, la quasi-totalité des personnes interrogées (99 %) ont exprimé leur inquiétude, « reflétant un large sentiment de malaise dans divers secteurs, tailles d'entreprise et niveaux de direction », indique le rapport. La grande majorité des personnes interrogées (95 %) considèrent que le rachat perturbe leur stratégie IT.
Le manque de clarté en matière de prix et de packaging ajoute à ces inquiétudes, selon le rapport. Tous les sondés s'attendent à ce que les prix du fournisseur augmentent sous l'égide de Broadcom, près de trois sur quatre prévoyant une augmentation de plus de 100 %. L'étude montre que de nombreux clients indiquent que leurs contrats expirent dans les 12 prochains mois, et 87 % des personnes interrogées prévoient de prendre leur « décision d'aller de l'avant » au cours de l'année prochaine.
Réfléchir sur le changement et opter pour le renouvellement
Pour les clients qui sont encore inquiets au sujet du nouveau VMware ou qui envisagent de quitter le navire pour d'autres solutions (voir notre dossier sur les alternatives à VMware), Stephen Eliot prévient qu'« il s'agit d'un marathon, pas d'un sprint ». Les clients vont continuer à travailler directement et avec leurs partenaires pour comprendre où ils veulent aller avec l'éditeur, et la valeur métier et technologique associée à chaque stratégie ». Chaque client et partenaire devrait consacrer du temps et de la planification à la compréhension de l'orientation qu'il souhaite donner à VMware, affirme le consultant.
« Certains clients discutent-ils des alternatives ? Oui », répond-il. « Plus le client est petit, plus la question se pose. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'options de remplacement qui répondent aux exigences en matière de technologie, de sécurité, d'échelle, de support matériel, de compétences et d'intégration des processus [et compte tenu] du coût total de la migration, les conversations s'orientent souvent vers une stratégie de renouvellement », constate-t-il. Selon l’analyste, la discussion sur la marche à suivre doit porter sur la valeur métier et la réduction du risque financier. L'abandon de VMware n'est pas seulement une question de technologie. L'éditeur « possède aujourd'hui quatre divisions qui sont beaucoup plus concentrées et autonomes qu'auparavant », explique-t-il. « Pour de nombreux clients, il s'agira d'un changement très positif à mesure que l'exécution de la technologie progresse »
Un big bang long et coûteux
Les clients de Gartner ont signalé des augmentations de prix pour de nombreux produits VMware, indique Julia Palmer, certains d'entre eux devant faire face à des augmentations de coûts de deux à cinq fois. « En conséquence, les parties prenantes nous demandent des conseils pour faire face à cette situation », explique-t-elle. « D'après les milliers d'enquêtes menées par Gartner (qui voit même poindre la dévirtualisation), les clients explorent activement d'autres voies. Cela inclut des mouvements tactiques tels que les solutions hyperconvergées et les hyperviseurs alternatifs, et des mouvements stratégiques comprenant des plateformes d'infrastructure hybride telles qu’Azure stack HCI, AWS Outposts et d'autres, des plateformes de conteneurs, des solutions d'infrastructure en tant que service (IaaS) dans le cloud public et des offres SaaS.
« La migration à grande échelle à partir de la plateforme de virtualisation de serveurs de VMware nécessiterait des efforts considérables s'étendant sur plusieurs années-personnes, des coûts de projet ponctuels substantiels et entraînerait des risques pour l'entreprise », explique l’analyste. « En outre, l'ensemble du processus prendrait entre 18 et 48 mois. » ajoute-t-elle.
Clarté et des assurances attendues lors de la conférence
Alors, que doit faire Broadcom lors de la prochaine conférence Explore - et dans une perspective plus large - pour rassurer et fidéliser les clients du fournisseur ? « Tout d'abord, communiquer sur l'innovation continue des produits que représente la marque VMware », explique Stephen Eliot. « Ils ont bien travaillé depuis la conclusion de l'accord, mais tous les clients n'en sont pas conscients. L'événement est l’endroit idéal pour faire connaître les feuilles de route et le calendrier des produits ». Un deuxième point concerne les partenaires, glisse M. Eliot. « L'entreprise n'a pas eu un tel niveau de clarté sur les partenaires depuis plus de dix ans », déclare-t-il. « Il existe aujourd'hui quatre types de partenaires, et chacun est traité différemment pour de bonnes raisons. Ils cherchent à savoir comment travailler avec VMware, où se trouvent les opportunités de revenus et de profits, et à clarifier les bénéfices pour les clients et la capacité [des partenaires] à se différencier. Cela prendra un certain temps, mais les choses évoluent assez rapidement.
On a beaucoup parlé de l'augmentation des prix par Broadcom, de l'introduction d'un nouveau modèle de licence et de la rationalisation des produits, ce qui pourrait être un sujet de discussion. Le modèle de tarification par abonnement « était en cours d'élaboration depuis cinq ans chez VMware, il n'est donc pas vraiment nouveau », remarque Stephen Eliot. « La seule différence aujourd'hui est que c'est le seul modèle pour les clients. Le portefeuille de produits - et les contrats associés - était devenu trop complexe pour les clients et les partenaires », observe-t-il. Selon lui, les offres groupées de produits sont désormais la voie à suivre pour plus de simplicité. « Les entreprises doivent maintenant s'informer sur le modèle de tarification et les offres groupées, et il leur faut donc du temps pour comprendre les changements », explique-t-il.
En dehors de cette garantie de cohérence des prix, les clients veulent également être rassurés sur les investissements en matière d’assistance, de services, de roadmap sur la R&D sur l’ensemble des produits du fournisseur, souligne Julia Palmer. À cette fin, Broadcom doit démontrer son engagement et son soutien aux principaux produits VMware, précise-t-elle. Cela passe par une communication claire de la future feuille de route et des investissements en recherche et développement. L'entreprise doit également répondre aux préoccupations soulevées dans les enquêtes de satisfaction des clients et montrer qu'elle prévoit d'améliorer le support et les services, ajoute la consultante, ainsi que de favoriser les partenariats au sein de l'écosystème VMware et de ses partenaires hyperscale.
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