Forrest Norrod n’a jamais évité les défis. Précédemment responsable des serveurs chez Dell, il a contribué à faire prospérer la division hardware pour datacenters du constructeur. Il n’hésitait pas non plus à tester de nouveaux types de serveurs. Aujourd’hui responsable des serveurs chez AMD, son nouveau challenge est de relancer une activité processeurs très mal en point et de faire revivre à l’entreprise ses jours glorieux. La méga-puce Naples 32-cœurs basée sur l'architecture Zen fera office de premier test pour le retour d'AMD sur le marché des serveurs.
Annoncée en début d'année, la puce Naples sera expédiée aux fabricants de serveurs au second trimestre de l’année. « Les résultats des benchmarks montrent que les puces Naples sont au coude à coude avec les puces d'Intel », a déclaré Forrest Norrod, vice-président senior et directeur général d'AMD Enterprise, Embedded and Semi-Custom Business Group. Le retour d'AMD ramènerait une concurrence bien nécessaire sur un marché de la puce serveur dominé par Intel, dont le fondeur en capte plus de 90 % des parts. L'objectif d'AMD est simple : prendre toujours plus de clients à Intel.
Une alternative face aux puces Intel
L’accueil des puces serveurs d'AMD devrait être assez favorable, car elles pourraient servir d’alternative aux très coûteuses puces d'Intel. La plus chère des puces serveurs étant vendue 8898 dollars HT par Intel. La concurrence des puces d’AMD, moins chères, permettrait déjà aux clients d’avoir un peu plus de prise sur les prix. « Si l'on regarde le tarif public de leurs produits, il est certain que les puces Naples vont tirer les prix d'Intel à la baisse », a déclaré Nathan Brookwood, analyste principal chez Insight 64. Cette baisse de prix est déjà visible avec les nouvelles puces desktop Ryzen d’AMD, nettement moins chères que les puces d'Intel dédiées au gaming.
Basées sur l'architecture x86, les puces serveurs Naples n'ont pas encore de nom officiel. Par le passé, AMD représentait une menace plausible pour Intel, mais une série d’erreurs a coulé son activité serveurs. Le déclin a commencé avec l'architecture Bulldozer, fortement critiquée pour ses piètres performances. Ensuite, AMD a fortement parié sur les puces d'ARM, mais la demande n’était pas au rendez-vous précipitant davantage son activité serveurs. Naples ne sera pas la seule puce serveur basée sur Zen. « Nous annoncerons d’autres puces Zen à mesure que l’on se rapprochera de la date de lancement de Naples », a déclaré Forrest Norrod. La puce 32-cœurs ne convient pas à tous les publics, et il est probable qu’AMD livre des versions Zen avec moins de cœurs.
Plus de capacités I/O et mémoire
« L’annonce de l’arrivée prochaine de la puce Zen a suscité des réactions très bienveillantes », a encore déclaré Forrest Norrod. Les puces serveurs Zen ciblent des serveurs à un ou deux sockets utilisés généralement pour les applications courantes et les applications cloud. Un système à deux sockets pourrait compter huit canaux de mémoire, une solution intéressante pour les applications In-Memory comme les bases de données, qui ont besoin de plus de bande passante.
« La puce Naples offrira plus de capacités I/O et de capacité mémoire que les puces Intel équivalentes », a affirmé le vice-président senior et directeur général d'AMD Enterprise. Ces propriétés sont bien adaptées à l'apprentissage machine, en particulier quand la puce est jumelée avec des co-processeurs, type GPU. AMD prévoit d’ailleurs de jumeler ses puces serveur Zen avec son prochain GPU Vega, conçu pour l'apprentissage machine. « La connexion fabric à large bande qui relie les deux sockets dans les puces est unique et rend ces puces parfaites pour les serveurs à deux sockets », a estimé Nathan Brookwood.
Des performances en retrait dans les applications hautes performances ?
AMD a déjà vendu sous licence sa nouvelle architecture serveurs au joint venture chinois THATIC (Tianjin Haiguang Advanced Technology Investment Co. Ltd.) qui fabrique des succédanés de puces Zen pour le marché local. « Cela ne signifie pas pour autant que AMD ne vendra pas ses puces Naples sur le marché chinois », a précisé Forrest Norrod. La puce Naples devrait concurrencer les puces serveur Skylake d'Intel, que Google devrait probablement intégrer dans ses serveurs cloud.
Mais les puces d’AMD risquent de ne pas être à la hauteur des puces Intel dans le domaine des applications à hautes performances. Les puces serveur Intel Skylake supporteront l’AVX-512, une extension du jeu d'instruction AVX qui rajoute des instructions SIMD 512 bits pour exécuter des applications vectorisées, alors que les puces d'AMD supporteront seulement l’AVX-128. « Quelques algorithmes peuvent tirer profit de l’AVX-512, et Intel a beaucoup plus d’expérience qu’AMD dans le calcul haute performance », a déclaré Nathan Brookwood. « Intel sait où sont enterrés ces codes, alors qu’AMD découvre tout juste ce marché », a ajouté l’analyste.
« Certaines applications fonctionneront mieux sur les puces d'Intel », a reconnu Forrest Norrod. « Mais la puce Naples d’AMD a des propriétés uniques qui pourraient permettre à l'entreprise de retrouver une place sur le marché des serveurs », a-t-il ajouté. Au final, même si la puce d'AMD est un peu plus lente, mais que les performances sont au rendez-vous, les clients envisageront de l'utiliser. « Si les performances sont comparables, le prix devient un enjeu sérieux », a conclu l’analyste d’Insight 64.
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