Dans un contexte social tendu, Amazon veut rassurer. Alors que le géant du e-commerce américain a fait face ces derniers jours à plusieurs blocages de ses sites français de distribution, le groupe a publié un billet de blog pour faire état de son « impact positif pour l'économie française ». Dans ce post, Amazon France - un brin lyrique - indique notamment mettre son « énergie et savoir-faire » et sa « capacité d'innovation au service des Français » dans compter sa contribution « à la croissance de l'économie française, à la création de nombreux emplois, au financement des services publics et du modèle social français ».
Depuis 2010, la société indique avoir investi plus de 6,8 milliards d'euros dans ses activités françaises (entrepôts et datacenters) et avoir en trois ans, doublé ses effectifs atteignant 9 300 personnes en cette fin d'année. D'autres chiffres intéressants sont aussi mis en avant et ils ont de quoi étonner puisqu'ils concernent la contribution fiscale de la filiale française du groupe qui jusque là s'est toujours montrée discrète sur ce bouillonnant sujet. « Je savais qu'il y avait des interrogations quant à notre impact économique et le montant d'impôts que paie Amazon en France », a expliqué à notre confrère de Franceinfo Frédéric Duval, directeur général d'Amazon France. « Je souhaite apporter un éclairage plus concret sur notre contribution à l'emploi, la croissance, au financement des services publics et du modèle social français ». Amazon France précise ainsi dans son billet avoir payé au titre des prélèvements obligatoires liés à ses activités 250 millions d'euros dont plus de 150 millions correspondant à des prélèvements directs (impôt sur les sociétés, cotisations patronale, impôts locaux...). Une contribution à mettre en regard des 4,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés en 2018 par la filiale française du géant e-commerce et qui ne convainc pas tout le monde.
Des puits de transferts de redevances utilisés
« Pour la première fois, on a enfin un vrai chiffre d'affaires qui correspond à nos estimations (dans son rapport, NDLR) ou à celles d'Attac », a indiqué à l'AFP repris par Le Point l'ancien secrétaire d'Etat chargé du Numérique Mounir Mahjoubi. « En revanche, ils ne sont pas transparents sur les activités qui correspondent à ce chiffre d'affaires et la répartition des impôts qu'ils payent. C'est comme s'ils voulaient minimiser l'importance de l'impôt sur les sociétés en insistant sur les cotisations [...] J'ai bien peur que la fiscalité qu'ils évoquent ne concerne que leur activité physique et pas leurs services virtuels comme la Market Place et Amazon Web Services ». « Je trouve que c'est déjà un premier pas de vouloir jouer la transparence », nous a indiqué de son côté Pierre-Yves Fagot, avocat et directeur du Pôle droit de l'entreprise chez Lexing Alain Bensoussan Avocats. « Ce chiffre ne parait pas aberrant mais il faut connaitre le bénéfice net et savoir si cela vise uniquement l'activité physique, des entrepôts, d'Amazon France ou inclut la market place, les services d'hébergement et d'informatique. Il ne faut pas oublier non plus qu'Amazon, comme de nombreuses entreprises du numérique, utilisent des conventions fiscales existantes vis-à-vis d'Etats lésés par des puits de transferts de redevances reversées dans des pays où la fiscalité est plus avantageuse comme en Irlande avec un impôt sur les sociétés de 12,5% contre 33% en France ».
Autre point à éclaircir : celui du versement de la taxe GAFA, correspondant à 3% du chiffre d'affaires du groupe, soit 135 millions d'euros d'après nos calculs : est-il compris dans les 250 millions d'euros de prélèvements ? A priori non, alors que depuis le 1er octobre 2019 le groupe ne s'est pas privé d'appliquer une hausse de 3% de ses frais de ventes. Questionné par la rédaction pour en savoir plus, Amazon France n'a pour l'heure pas répondu à notre demande de précisions.
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