Amazon a fait couler beaucoup d'encre la semaine dernière, à la suite d'un article publié par le New York Times qui exposait des méthodes de management pour le moins discutables, inspirées du lean management, poussant souvent les salariés jusqu'aux limites de l'acceptable. Créée en 1996 par Jeff Bezos, l'entreprise de commerce électronique et de cloud computing a atteint en un peu plus de 20 ans une valorisation boursière de 230 milliards de dollars. Ce n'est certainement pas par hasard. A la rubrique Emploi de son site web, les principes de travail qu'elle a érigés sont résumés en 14 règles. Parmi celles-ci figurent l'obsession du client, l'implication de chacun à l'échelle de l'entreprise (ne jamais dire « ce n'est pas mon travail »), des standards de qualité élevés, la curiosité et le désir d'apprendre pour s'améliorer, mais aussi l'économie de moyens (être capable d'accomplir plus avec moins, « les contraintes engendrant la débrouillardise ») ou encore l'auto-critique, l'aptitude à se comparer aux autres par benchmarking et la nécessité d'effectuer des contrôles à tous les niveaux, fréquemment.
L'article du New York Times fait remarquer que, si le management mis en place par Amazon est certes singulier, il ne l'est sans doute pas autant que Jeff Bezos le clame. Le groupe de Seattle a simplement été plus rapide qu'un autre à se caler sur les évolutions du monde du travail en s'appuyant sur des données qui permettent de mesurer les performances individuelles sur un mode continu. « Nous sommes devenus les produits d'une culture d'entreprise impitoyable, où les équipes sont gérées de façon tyrannique et où seules comptent les performances des salariés », souligne notre confrère John Brandon de Computerworld (IDG), dans une chronique écrite à la suite de l'enquête du New York Times sur les méthodes managériales d'Amazon. Il peut être dangereux que des entreprises technologiques voient dans les données la mesure de toutes choses, incluant le fait d'évaluer les performances des collaborateurs en fonction de standards. On peut agréger des masses de données dans toutes sortes de domaines, mais si les évaluations des salariés se font uniquement en fonction de classements et ne font que favoriser un environnement de travail qui voit les équipes comme des robots devant se plier uniquement à des exigences empiriques, alors on arrive à créer un environnement presque meurtrier.
L'importance du facteur humain dans l'entreprise
Alors, pourquoi utiliser de telles méthodes ? Dans un mémo diffusé en réaction à l'article du NYT (et publié Geekwire), le patron d'Amazon, Jeff Bezos, affirme que le manque d'empathie qu'elles peuvent susciter ne doit absolument pas être toléré. De cette façon, on ne voit la valeur d'un collaborateur qu'en termes de chiffres. Le vrai problème réside dans la différence entre les informations recueillies et l'interprétation que l'on peut en faire. Sur ces questions, Computerworld a récemment évoqué l'entreprise Looker, un spécialiste de l'analyse de données qui a décidé de se différencier de ses concurrents en se concentrant davantage sur ce qu'apprend l'examen des données plutôt que d'aligner les chiffres. Ce mode d'interprétation s'appuie sur la connaissance et le bon sens et met la responsabilité entre les mains de l'analyste. Il faut savoir évaluer et ne pas simplement réagir en passant au crible un ensemble de chiffres. Une culture qui utilise uniquement les données pour évaluer ses employés supprime la question du leadership de l'équation. Il réduit les performances de ses employés en un triste exercice d'analyse, ce qu'il ne faut faire en aucun cas. Les chiffres doivent au contraire être interprétés en faisant appel à de véritables qualités de management. Il y a tant de variables qui entrent en ligne de compte.
« J'ai dirigé de grandes équipes dans une entreprise pendant dix ans et j'ai utilisé différentes méthodes basées sur les données, mais j'ai également évalué les employés sur de nombreux autres facteurs », relate notre confrère de Network World. « Est-ce que telle personne est encore en phase de formation dans ce domaine nouveau pour elle ? Telle personne a-t-elle eu des problèmes personnels ? Est-ce que tel employé a pris le relais d'autres personnes dans l'équipe sous une forme qui n'apparaît pas dans les graphiques de performances ? Est-ce que le collaborateur a montré de l'empathie pour ses collègues dans son espace de travail et les a encouragés? Ces éléments ne sont souvent pas pris en compte dans un classement de performances et ils demandent de bien prendre en considération les collaborateurs dans la globalité de leur contexte. C'est la raison pour laquelle on n'utilise pas d'ordinateurs pour évaluer les salariés. »
Les entreprises technologiques ont tout particulièrement besoin d'insister sur le facteur humain. C'est très bien d'avoir des attentes très élevées pour ses employés, mais nous ne sommes pas des androïdes. Des collaborateurs peuvent faire avancer une entreprise ou bloquer sa croissance. Pour des managers, il est important d'évaluer la performance de façon holistique et pas seulement en s'appuyant sur des données.
Il faut à mon sens laisser aux chiffres leur utilité : un indicateur objectif, qui ne doit en aucun cas remplacer l'appréciation humaine.
Signaler un abusQuand les clients sont analysés par les chiffres, n'est-il pas logique que les salariés le soient également? L'importance du facteur humain vaut dans les 2 cas me semble-il.
Signaler un abusClient ou salariés, les humains ne sont pas des robots, alors pourquoi s'offuquer dans un cas et pas dans l'autre?
Sans oublier ce classique de la sociologie de organisations, qui veut que chacun au bout d'un moment tende à détourner les fonctionnement de l'institution à son profit. Les évaluation chiffrées et les procédures figées sont tout à fait favorables à ces détournements, ceux qui les mettent en place et les utilisent n'y manqueront pas...
Signaler un abusA cette vieille question "qui surveille les surveillants" il n'existe qu'une réponse, la confiance et la responsabilité, des rapports humains sincères et respectueux.