Depuis 2004 et la fameuse loi sur la confiance dans l'économie numérique, il est un principe établi : les plates-formes se contentant de publier des contenus de contributeurs (comme les réseaux sociaux) sont irresponsables des dits contenus pourvu qu'ils agissent promptement en cas de signalement. Les réglementations nationales et européennes qui ont suivi n'ont jamais remis en cause le principe, même si des obligations de contrôle a priori commencent à voir le jour, notamment pour la protection du droit d'auteur ou la chasse à l'infox ou aux insultes racistes.
Or AirBnB vient de se voir condamné pour avoir publié une annonce de location illégale. Cette jurisprudence, même d'un tribunal de première instance, pointe un problème non-évoqué jusqu'à présent : agir sur le contenu entraîne, de la part de la plate-forme, la qualité d'éditeur, donc de responsable. Et cela même si l'action est purement algorithmique, sans aucune intervention humaine. La responsabilité civile de AirBnB a donc été reconnue. Gageons qu'il faut s'attendre à un parcours judiciaire encore long, avec appel et cassation, tant cette jurisprudence est importante.
La sous-location est généralement illégale
Au départ, le litige est aujourd'hui classique. Un locataire veut arrondir ses fins de mois et loue son appartement sur AirBnB. Or une telle sous-location est illégale si elle n'est pas formellement autorisée par le propriétaire, seul détenteur du droit de fructus (tirer profit du bien), le locataire ne payant que pour le seul usus (usage du bien). La propriétaire ne se contente pas d'attaquer son ex-locataire mais attaque solidairement AirBnB. L'intérêt est évident : le locataire est probablement insolvable de la somme réclamée (plus de 50 000 euros de sous-loyers). AirBnB, par contre, est tout à fait solvable. Une condamnation solidaire permet au propriétaire de réclamer au seul AirBnB la somme, sans même avoir à chercher à en récupérer une partie auprès du locataire. Et le propriétaire a obtenu totalement gain de cause, obtenant même le reversement des commissions prélevées par AirBnB puisqu'il s'agit aussi d'un profit tiré du bien immobilier.
Bien entendu, AirBnB s'est défendu en prétendant être seulement hébergeur des annonces. Et c'est là que le tribunal reconnaît que AirBnB agit sur les contenus et devient donc éditeur. D'une part, la plate-forme, via ses conditions générales, a « un droit de regard et s'arroge le droit de retirer un contenu pour non-respect des conditions contractuelles mais également pour toute autre raison à son entière discrétion. » Son action ne se limite pas à la vérification du respect des conditions générales par le posteur de l'annonce. La plate-forme applique en effet des règles algorithmiques pour qualifier les utilisateurs ou même leur imposer des pénalités. Il est résulte un « rôle actif », même entièrement automatique, donc la plate-forme est bien éditeur. Et elle devient de ce fait responsable.
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