« Aujourd'hui, ne pas avoir accès à Internet et aux contenus numériques est un facteur d'exclusion sociale et professionnelle », a souligné ce matin Dominique Burger, président de l'IAN(*), et président de BrailleNet, en ouverture du 6ème Forum européen de l'Accessibilité Numérique, accueilli à la Cité des Sciences de La Villette. Les systèmes d'information et les sites web doivent respecter des règles de conception qui permettent de les rendre accessibles à l'ensemble des utilisateurs. Cela ne se borne pas à en faciliter l'accès aux personnes en situation de handicap, mais concerne potentiellement tout un chacun. C'est une question qui comporte des implications civiques, techniques et économiques qui se placent au coeur de notre société, a pointé Dominique Burger. Il a par ailleurs rappelé l'importance de prendre en compte les critères d'accessibilité en amont du développement des logiciels ou des sites web, sous peine d'en augmenter sensiblement le coût.
En introduction de la matinée, Pascal Guitton, directeur de recherche à l'Inria, a présenté quelques-unes des activités sur lesquelles travaille l'organisme public auquel il collabore. « En tant que chercheur, il faut rester humble et ne pas faire croire que l'on pourra tout résoudre rapidement », a-t-il déclaré en préambule. « Nous travaillons sur de nombreuses facettes liées au handicap, notamment pour mieux en comprendre la cause, qui peut être liée à une maladie, un accident, mais aussi au vieillissement ». En 2050, près d'un habitant sur trois aura plus de 60 ans, selon l'Insee. « Nous allons essayer de détecter des situations alarmantes en installant des appartements intelligents », avec par exemple au sol des dalles capables de détecter si une personne reste allongée de façon anormale. Certains dispositifs pourraient aussi permettre de prévenir un praticien qu'un comportement a changé sur les derniers mois. Le centre de recherche de Nancy a installé des environnements de ce type. En mixant la vidéo et d'autres capteurs (de bruit, notamment), on peut être averti de certains événements. En complément, certains robots pourront aussi aider les personnes à réaliser des mouvements, comme se lever par exemple. Mais, reconnaît Pascal Guitton, il faudra faire attention à ce que les équipements ne soient pas invasifs et veiller au respect de la vie privée.
Enregistrer l'activité du cerveau
Parmi les travaux de l'Inria, Pascal Guitton a notamment évoqué l'assistance cognitive numérique et la possibilité d'aider les personnes ayant perdu le sens de l'orientation, à la suite d'un AVC (accident vasculaire cérébral), à réapprendre certains déplacements dans un environnement virtuel avant de se diriger dans la vie réelle. Avec la « Brain Computer Interface », on mesure une activité cérébrale qui correspond à un geste que l'on a imaginé. « C'est une idée ancienne, reconnaît le directeur de recherche, mais elle était restée en sommeil ». En cas de handicap lourd, l'analyse électroencéphalographique (EEG), utilisée pour enregistrer l'activité du cerveau, permettrait d'imaginer des gestes de déplacement (« je vais à gauche, à droite »). Cela pourrait servir à se déplacer dans une application sur Internet, une visite de musée, par exemple. Pascal Guitton insiste sur le grand nombre de défis scientifiques à relever avec, à chaque fois, des contraintes fortes, notamment sur les coûts et sur l'acceptabilité des solutions. « C'est un défi sociétal majeur si nous voulons progresser, il faut arriver à faire en sorte que cela devienne un effort collectif et pas seulement un effort d'individus ».
A sa suite, Bruno Ménard, vice-président Systèmes d'information de Sanofi-Aventis, et vice-président du Cigref, a présenté les enjeux de l'accessibilité numérique dans les grandes entreprises. Robert Sinclair, directeur de l'accessibilité chez Microsoft, a ensuite décrit l'importance de l'innovation inclusive dans la conception des produits numériques grands publics. Le Monde Informatique reviendra plus en détail sur ces interventions dans une prochaine édition.
(*) Les statuts de l'IAN, l'Institut de l'accessibilité numérique, ont été déposés par trois organisations, BrailleNet, l'Inria et la Cité des Sciences-Universcience.
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