Durant le second trimestre 2020, les entreprises ont dépensé dans le monde 34,6 milliards de dollars sur les services cloud, un niveau record, en hausse de 11% par rapport au trimestre précédent et de 30% par rapport à la même période en 2019, selon l'institut de recherches Canalys. Parmi ces dépenses, le flou subsiste toutefois sur la part d'entre elles qui ont été gaspillées, en raison d'une mauvaise planification, d'erreurs dans l'exécution, d'anticipations inadéquates ou de conflits internes, parmi les nombreuses causes possibles. Pour Jimmy Pham, un consultant spécialisé dans DevOps, les plateformes-as-a-service et les conteneurs-as-a-service dans le cabinet de conseil Booz Allen Hamilton, il est essentiel de maintenir un solide contrôle sur les dépenses cloud afin de limiter le gâchis. « Prendre le contrôle des dépenses cloud ne peut pas être un effort ponctuel », prévient-il. « En associant la technologie, les opérations et les pratiques, il est possible de réduire les dépenses inutiles. »
Ces sept leviers présentés par CIO.com permettent de garder le cloud sous contrôle, en évitant que les dépenses associées ne grignotent le budget de l'IT.
1. Cibler les gaspillages cachés
Dans le cloud, le gaspillage revêt plusieurs formes. Le premier qui vient en tête concerne les ressources inutilisées, « qu'il s'agisse de stockage ou de ressources de calcul », indique Tristan Morel L'Horset, directeur de l'entité nord-américaine chargé du cloud et du développement des infrastructures au sein du cabinet de conseil Accenture Technology Services. Une autre source de gâchis provient de l'incapacité à gérer le cycle des environnements d'applications, en particulier les instances de développement et de test, quand ceux-ci ne sont pas utilisés. Enfin le surdimensionnement des ressources est un moyen efficace de gaspiller les budgets, même s'il est facile d'y remédier. « Avec les applications qui migrent vers le cloud, il est désormais possible de réellement dimensionner l'infrastructure en fonction du besoin, en la modifiant si la demande grimpe », explique Tristan Morel L'Horset.
Le surprovisionnement de services d'infrastructure, comme le fait de conserver des VM actives même quand elles sont inutilisées, ou de laisser des environnements hors production disponibles quand ils sont inactifs, reste valable dans le cloud, comme le souligne John Yeoh, vice-président global de la recherche pour la Cloud Security Alliance, une organisation non lucrative qui promeut de bonnes pratiques de sécurité pour le cloud. Avant de basculer vers le cloud, les entreprises bâtissaient et maintenaient ces ressources en interne, aussi les économies sur le capital et la maintenance opérationnelle pouvaient être immédiatement constatées. « Mais l'efficacité opérationnelle peut toujours être optimisée en utilisant l'auto-scaling et la nature on-demand du cloud », ajoute John Yeoh.
2. Rester vigilant
Une des meilleures façons de contrôler les dépenses cloud est de surveiller de près les charges de travail et les applications, en faisant des ajustements basés à la fois sur les besoins actuels et prévus. « Pour pleinement optimiser les dépenses cloud, il vous faut une vision sur toute l'activité cloud de votre organisation, de façon à prendre les bonnes décisions pour optimiser cette activité », conseille Brian DeMeulle, directeur exécutif chargé de l'architecture et de l'infrastructure à l'Université de Californie San Diego.
Les outils et services automatisés pour la gestion et la supervision du cloud sont essentiels pour détecter de potentiels gaspillages. Brian DeMeulle indique que son organisation s'appuie sur une plateforme de gestion multi-cloud ainsi que sur un prestataire pour gérer les opérations financières liées au cloud. Cela lui permet de donner aux équipes IT et financières une visibilité complète sur l'utilisation du cloud par l'université, mais aussi de fournir des recommandations personnalisées indiquant quand et comment faire des changements pour optimiser les coûts. « Avec la bonne combinaison de solutions et le support d'un partenaire, les organisations peuvent rapidement gagner le contrôle de leurs dépenses cloud », promet Brian DeMeulle.
Jimmy Pham recommande de passer régulièrement en revue les aspects financiers et les projets de développement. « Cela s'appuie à la fois sur des revues manuelles récurrentes et des rapports automatisés, alertes et seuils de déclenchement définis avec soin, afin de fournir des données pertinentes et précises, qui permettent d'agir rapidement et de façon décisive », explique-t-il. Cette vigilance constante implique aussi d'utiliser un outil de monitoring qui peut rapidement détecter des événements anormaux. Tristan Morel L'Horset se souvient avoir travaillé avec un client qui était perplexe devant une hausse inexplicable de sa consommation cloud. « L'infrastructure fonctionnait très bien, mais l'un des développeurs avait augmenté plusieurs ressources cloud pour faire du minage de bitcoins », raconte-t-il. C'est seulement après que la solution de monitoring de l'organisation a alerté l'IT sur cette consommation anormale que le problème a été découvert et résolu. « Surveiller les événements liés à la consommation est devenu très important dans la gestion du cloud, et cela doit être fait en temps réel pour éviter d'avoir de grosses surprises », souligne Tristan Morel L'Horset.
3. Éviter de se précipiter
Une approche bien construite de l'adoption du cloud offre généralement la meilleure valeur à long terme. Déplacer des services de l'entreprise dans le cloud sur un coup de tête ou en réaction à un événement externe conduit fréquemment à du gaspillage sur la durée. La pandémie de Covid-19 a par exemple créé une ruée vers le cloud que certaines entreprises commencent à regretter. Alors que le télétravail et les environnements de formation se sont imposés, les entreprises ont commencé à migrer des services essentiels dans le cloud en l'ayant peu ou pas planifié. « À première vue, par nécessité, cela a pu sembler plus rapide de simplement basculer des services vers le cloud public ou d'en déployer de nouveaux », observe Brian DeMeulle. « Toutefois, faute de temps suffisant pour planifier une migration ou un déploiement, les organisations ne peuvent réfléchir au meilleur modèle de consommation pour elles. »
4. Valoriser l'efficience
Pour Jim Haughwout, directeur de l'infrastructure et des opérations chez le fournisseur de streaming musical Spotify, une ingénierie du cloud efficace en matière de coûts se base sur la notion d'efficience. « Pas dans un sens bureaucratique, où l'on scrute le temps passé, mais dans la conception même des systèmes et services, afin qu'ils puissent monter en puissance de façon efficiente », précise-t-il. Jim Haughwout indique que Spotify a pu transformer l'ingénierie des coûts en une plateforme pour l'optimisation. « Les ingénieurs aiment l'optimisation » observe Jim Haughwout. « En transformant l'ingénierie des coûts en discipline d'optimisation, nous avons profité de cette passion. Nous leur avons fourni l'éclairage nécessaire pour inspirer des optimisations qui ont rendu leurs logiciels plus efficients, et de ce fait plus rapides et capables de s'adapter aux variations de charge. »
La clef du succès, pour Jim Haughwout, a été de rendre le sujet des coûts pertinent et actionnable. « Nous avons apporté les éléments permettant aux ingénieurs de savoir à quoi correspondaient leurs services, leurs pipelines de données, leurs sites web en termes de coût par dollar de revenu, de coût par utilisateur et de coût horaire par ingénieur », explique-t-il. Cette approche a permis aux équipes de voir où leurs systèmes fonctionnaient moins bien que voulu, incitant à l'action et donnant aux ingénieurs la capacité d'arbitrer en connaissance de cause entre les délais et les coûts. « Ainsi, nous sommes passés d'un contrôle descendant à une optimisation qui part de la base et une planification qui vise l'excellence de l'ingénierie », pointe Jim Haughwout. « Une fois ceci mis en place, nous avons constaté que l'ingénierie des coûts commençait à s'intégrer de façon automatique au travail normal des équipes. »
5. Garder la cible en tête
Pour contrôler fermement les budgets cloud, il est utile de démarrer avec le résultat final en tête. « Si vous vous concentrez uniquement sur les dépenses liées au cloud, vous allez passer à côté de la vraie valeur du cloud », avertit Tristan Morel L'Horset. Il faut à la fois se concentrer sur l'optimisation du coût, de la performance et de l'innovation. « En braquant le focus sur les dépenses, beaucoup d'entreprises restent aveugles à la vraie valeur du cloud, qui réside dans l'agilité, la performance et l'innovation », précise-t-il.
6. Anticiper les changements
Quelle que soit la stratégie cloud d'une entreprise, celle-ci doit pouvoir continuer à évoluer et à changer au fil des nouvelles pistes, des ajouts de solutions SaaS, de services cloud natifs émergents et des divers développements. « Pour pouvoir planifier quelque chose d'aussi dynamique, vous avez besoin d'une stratégie intégrée où la gouvernance cloud, les opérations et les dépenses sont alignées », note Jimmy Pham.
L'un des plus gros pièges dans lesquels tombent les leaders IT est de considérer leurs dépenses cloud comme un élément statique. Des changements surviennent et le budget cloud peut soudainement avoir besoin de croître. « Cela ne signifie pas qu'il faut un budget cloud illimité », indique Jimmy Pham, « simplement que celui-ci doit être aligné sur les initiatives métier et IT, afin que les dépassements ne soient pas une surprise et qu'ils soient utilisés de façon justifiée pour informer des futurs besoins et tendances en matière de dépenses. »
Même si la technologie cloud évolue constamment, certains départements de l'entreprise peuvent être réticents à s'adapter aux besoins et pratiques qui vont de pair avec le cloud. Les départements achats traditionnels, par exemple, peuvent parfois avoir du mal à adapter leurs pratiques aux normes budgétaires émergentes du cloud, observe Blair Hanley Frank, analyste dans le cabinet d'études et de conseil Information Services Group. « Souvent, ces organisations cherchent en premier lieu à maximiser les réductions pour tirer le plus de valeur possible de leurs dépenses. Ceci a conduit des entreprises à s'engager sur des niveaux de dépenses qui excédaient de loin leur capacité à consommer les services. Les entreprises doivent à tout prix éviter ce type de situation. »
7. Comprendre les coûts réels
La gouvernance a un rôle particulièrement important à jouer pour amener de la visibilité et de la transparence sur l'usage des ressources dans le cloud, selon Jimmy Pham. « Elle apporte de la clarté et une répartition précise des responsabilités sur les sous-comptes associés au cloud, qui va de pair avec des rapports réguliers et des analyses d'usage pour ces différents comptes. »
« Il est important d'avoir la maîtrise des données sur les coûts », conseille Jim Haughwout. « Ceci pas seulement au niveau global, mais jusqu'au moindre composant. Les entreprises ont besoin de comprendre ce que coûte chaque microservice, chaque base de données, car c'est à ce niveau que sont faits les changements et les optimisations. » Selon lui, des visions uniquement descendantes aboutiront à des actions inefficaces, qui ne sont pas tenables dans la durée. Il suggère de regarder comment les coûts du cloud apparaissent dans les coûts opérationnels de l'entreprise, et de définir des objectifs d'amélioration continue tout en faisant des améliorations permanentes. Procéder ainsi permettra à l'IT de profiter des avancées techniques qui s'enchaînent, tout en évitant aux équipes d'être freinées au seul motif de « faire des économies ».
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