Ce n'est un secret pour personne, la crise sanitaire a soulevé des enjeux inédits en termes de collaboration à distance et de mutation de la manière de travailler. En recourant massivement au télétravail, les entreprises ont couru des risques cyber très importants en augmentant mécaniquement la surface d'attaque via des connexions au SI depuis le domicile d'un collaborateur par exemple. Un facteur qui a constitué un terreau idéal à la montée en puissance des solutions et services en cybersécurité auprès des entreprises. Mais pas uniquement.
L'année écoulée a également été marquée par un très grand appétit des sociétés de capital risque et des fonds d'investissements pour investir en masse dans ce secteur. A tel point qu'un seuil a été franchi : d'après les derniers chiffres d'une étude menée par Crunchbase, les investissements capitalistiques dans des sociétés cyber au niveau mondial (levées de fonds, IPO...) ont dépassé les 7,8 milliards de dollars en 2020. Un montant plus élevé encore qu'en 2019 (7,6Md$), année qui s'était déjà illustrée comme le meilleur cru depuis la création de cette étude en 2011. Ce confortable matelas s'est réparti entre plus de 665 opérations. Parmi lesquelles on peut citer Snyk (300 M$), iboss (145 M$) ou encore BioCatch, Aqua Security, Cato Networks...
Transformation numérique et pandémie, accélérateurs de croissance en cybersécurité
« L'industrie de la cybersécurité a connu une croissance mondiale rapide au cours de la dernière décennie et, avec de nombreuses entreprises forcées d'effectuer leur transition vers le online, la pandémie n'a fait qu'accroître cette urgence et rendre l'industrie cybersécurité pertinente », explique Crunchbase. Les sociétés en cybersécurité opèrent dans des domaines porteurs tel que la sécurité des réseaux, du cloud, de la prévention des pertes de données ou encore de la détection des intrusions. Tout comme la gestion des identités et des accès, de la protection des terminaux en bout de réseau ou encore des anti-malwares. Selon les chiffres de l'étude, environ 1 500 sociétés en cybersécurité ont reçu des fonds depuis 2017, répartis comme suit selon leur maturité : 58% d'entre elles en phase d'amorçage, 32% en croissance et 10% au-delà.
« En 2020, environ 6% des investissements mondiaux en matière de cybersécurité ont alimenté des sociétés au stade d'amorçage, 39% en croissance, 53% au stade avancé et un peu plus de 2% en phase de maturité technologique », peut-on lire dans le rapport. Parmi les fonds les plus actifs dans la cybersécurité, en fonction du nombre de sociétés dans lesquelles ces derniers ont investi entre 2019 et 2020 : Accel (21), Insight Partners (17), Techstars (15), Y Combinator (14) ou encore TenEleven Ventures, Lightspeed Venture Partners, ClearSky et ForgePoint Capital (avec 13 sociétés chacune à leur actif). Derrière : Intel Capital (12), Salesforce Ventures (11) et Sequoia Capital (11).
La cybersécurité loin derrière biotech et fintech
Si le chiffre de 7,8 Md$ impressionne, il est à remettre en perspective avec deux autres. Tout d'abord celui des dépenses globales en sécurité de l'information et de la gestion des risques que le Gartner estime à près de 208 milliards à horizon 2024. Ensuite, au regard d'autres secteurs, les fonds injectés dans la cybersécurité se révèlent être bien moindres. Dans les biotech, pas moins de 45,1 Md$ ont ainsi été mis au pot, contre 26,8 Md$ dans les fintech. La robotique a également davantage aiguisé les appétits des investisseurs (8,6 Md$). Les investissements en cybersécurité ressortent toutefois devant l'agritech (6 Md$) ou encore l'adtech (3,4 Md$).
En 2020, 6 sociétés de cybersécurité sont passées au statut de licornes, c'est-à-dire avec une valorisation dépassant le milliard de dollars. A savoir Snyk, SentinelOne, Verkada, Arctic Wolf, Cato Networks et BigID. Parmi les licornes de la cybersécurité qui vont marquer 2021 et qui ont reçu le plus de fonds depuis leur création : Armis Security (237 M$), Coalition (300 M$), Wiz (230 M$), OwnBackup (267 M$), Axonius (195 M$), Socure (194 M$), Orca Security (292 M$), Lacework (599 M$) et Aqua Security (265 M$).
L'Europe et la France, 5e roue du carrosse des investissements en cybersécurité
Concernant la répartition des fonds investis sur l'année écoulée, 76% l'ont été aux Etats-Unis, 13% en Israël, 3% en Grande-Bretagne et 8% dans les autres pays. Et la France dans tout cela ? « Les montants sont principalement levés au Nasdaq et très peu d'acteurs cyber arrivent à émerger sur les places boursières en Europe », nous a expliqué Jean-Noël de Galzain, président directeur général de Wallix et président d'Hexatrust. « Les montants investis dans les sociétés cyber en Europe et en France sont amenés à grandir. Mais le problème vient moins des montants des investissements que d'un manque d'ambition locale, européenne et mondiale. Il faut donc activer les leviers pour rendre les sociétés cyber européennes et françaises plus attractives avec des règles simplifiées pour les entreprises, des certifications européennes qui pourront alors permettre d'irriguer un marché par les milliers de milliards de dépenses tirées de la transformation digitale et de la pandémie ».
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