Les DSI qui cherchent à stimuler la croissance de leur entreprise par des investissements technologiques se retrouvent souvent freinés par des budgets limités. Et l'année 2023 ne s'annonce guère différente des précédentes à cet égard.
Même si le cabinet d'études Gartner prévoit une augmentation des budgets IT de 5,1 % en moyenne pour 2023 dans sa dernière enquête « CIO and Technology Executive Survey », réalisée auprès de 2 203 DSI dans 81 pays et couvrant les principaux secteurs d'activité, il ne manque pas de préciser qu'avec un taux d'inflation mondial attendu à 6,5 %, une pénurie de talents qui se prolonge et des problèmes d'approvisionnement persistants, les DSI risquent d'avoir du mal à obtenir la validation de tous leurs investissements technologiques cette année.
Qu'ils disposent d'un petit ou d'un gros budget, les décideurs IT peuvent, en le gérant bien, utiliser efficacement ces ressources pour en tirer un maximum de valeur pour les métiers. Voici ce que préconisent des DSI de différents secteurs et zones géographiques.
1. Baser ses décisions sur la valeur pour l'entreprise
Les DSI dont le budget IT n'a pas connu d'augmentation substantielle vont probablement commencer par se demander où réduire les coûts - un projet particulier, les ressources humaines, certains achats - afin d'avoir plus d'argent à dépenser dans leurs domaines de prédilection. Dans ce genre de situation, Saurabh Mittal, directeur de la technologie chez Piramal Capital & Housing Finance, une société de crédit immobilier basée à Mumbai (Inde), met en garde les responsables IT : « S'ils veulent tirer le meilleur parti de leurs budgets limités, les responsables IT doivent faire la différence entre ce qui relève du coût et de l'investissement. Les domaines dans lesquels les dirigeants IT dépensent de l'argent, mais ne disposent d'aucun effet de levier, sont clairement des coûts, alors que les domaines dans lesquels ils dépensent de l'argent aujourd'hui dans la perspective d'avoir des retours démultipliés sont des investissements », souligne-t-il.
« Sur la base de ce distinguo clair, ils peuvent s'attaquer à la réduction des coûts à long terme tout en augmentant les investissements », indique Saurabh Mittal. « Certes, cette distinction ne va pas de soi et elle peut demander un peu de temps », reprend ce dernier, dont l'entreprise a adopté une approche tech-first et cloud-native pour transformer son service de prêt. « Il m'a fallu un certain temps pour comprendre comment faire les bons choix technologiques. Les systèmes à utiliser et la manière de les utiliser peuvent avoir un impact sur le coût à long terme. Par exemple, les DSI peuvent acheter un système prêt à l'emploi qui leur coûte un montant X en frais de licence au démarrage, puis 20 % de ce montant chaque année sur toute la durée d'utilisation, ou ils peuvent choisir de construire eux-mêmes le système, pour un montant initial de 1,5 fois X, mais avec un coût d'exploitation à long terme de 2 % au lieu de 20 % », explique-t-il. « Maintenir les coûts à long terme aussi bas que possible laissera toujours plus de marge de manoeuvre pour permettre de faire des investissements profitables », ajoute le directeur de la technologie de Piramal Capital & Housing Finance.
Pour faire la différence entre coût et investissement, Bob Cournoyer, directeur principal de la stratégie data, de la BI et de l'analytique chez Estes Express Lines, un transporteur basé à Richmond (Virginie), a opté pour l'approche suivante : « Je prends une grande partie de mes décisions budgétaires en fonction de la valeur sur les revenus, c'est-à-dire la valeur que l'investissement dans une technologie particulière apporte à l'entreprise », explique-t-il. Pour l'entreprise de transport de marchandises, la business intelligence est un domaine où l'IT peut avoir un impact sur le chiffre d'affaires. « Nous avons des dispositifs télématiques sur nos tracteurs dans l'entrepôt, des tablettes sur nos chariots élévateurs et des scanners dimensionnels qui scannent le fret, et tous nous remontent des informations métiers essentielles », souligne Bob Cournoyer, qui a récemment réorganisé les opérations data d'Estes autour d'une solution de data fabric logique afin de mieux servir ses clients. « Nous ne réduirons évidemment pas les investissements dans ce domaine. J'investis dans les domaines de l'entreprise qui génèrent des revenus. Pour moi, cela consiste à remplacer une ancienne technologie par une technologie plus récente, qui sera plus agile et plus rentable », ajoute Bob Cournoyer.
2. Clarifier sa vision technologique
Avoir une vision claire de là où on se situe et de là où on souhaite aller aide à mettre les choses en perspective. Madhumita Mazumdar, directrice générale des technologies de l'information et des communications pour l'entreprise de tourisme australienne Journey Beyond, le confirme : « si nous avons un plan stratégique approprié pour le département IT, aligné sur la vision de l'entreprise, nous pouvons engager des projets dans le budget imparti, tout en résolvant la moitié des problèmes qui auraient pu survenir six mois ou un an plus tard », affirme-t-elle.
Pour illustrer cette approche, Madhumita Mazumdar explique que son entreprise a très clairement décidé de mener une stratégie cloud-first. « La perspective d'une infrastructure 100 % cloud nous a permis de réduire considérablement les coûts de nos datacenters tiers, en les faisant migrer vers notre environnement cloud », relate-t-elle. De la même façon, Madhumita Mazumdar a adopté une position claire dans le débat entre externalisation versus internalisation. « Je suis une grande fan de l'internalisation et je suis toujours prête à soutenir la mise en place d'une équipe pour effectuer les choses en interne. Par exemple, le fait d'avoir une équipe interne permet d'assurer la mise à jour de tous nos appareils réseau en temps voulu. Les correctifs sont appliqués en dehors des périodes d'activité. Si cette tâche était externalisée, la coordination avec le fournisseur serait très difficile, et les choses se passeraient probablement mal, estime-t-elle. Faire travailler l'équipe interne en même temps que le fournisseur à 23 heures représenterait aussi une dépense inutile. Pourquoi payer pour deux équipes si je peux simplement m'appuyer sur la ressource interne ? ». Pour Madhumita Mazumdar, la capacité à anticiper de tels coûts superflus est essentielle pour optimiser son budget et permet de réserver ce dernier à des dépenses plus pertinentes. « Grâce à cette clarté par rapport à la feuille de route technologique, un DSI peut éviter les dépenses inutiles et déployer plus efficacement le capital économisé », ajoute-t-elle.
3. Exploiter ses compétences de négociation
Les qualités de négociateur ont toujours été importantes pour réussir dans les rôles à la croisée de la technologie et des métiers. Cette année, plus que jamais, les DSI devront compter sur celles-ci pour préserver leur budget. « Au moment du renouvellement des contrats de maintenance, il est utile de retourner à la table des négociations et de négocier fermement les tarifs », rappelle Bob Cournoyer, qui s'appuie sur l'expertise de Gartner avant d'entamer toute négociation, que ce soit pour le renouvellement des contrats de maintenance ou l'acquisition d'une nouvelle solution technologique. « Nous bénéficions des conseils de leurs analystes, qui peuvent nous donner la fourchette de prix courante d'une solution spécifique dans un secteur donné, certaines consignes utiles ou nous guider pour l'achat de produits complémentaires. Ce sont des garde-fous quand nous traitons avec des fournisseurs de services et de solutions, des bonnes pratiques qui nous aident à réduire les dépenses d'investissement », poursuit-il. Vijay Sethi, président de la plateforme technologique de mentorat MentorKart et ancien DSI de Hero MotoCorp, propose une autre solution pour réduire la spirale des coûts : « signer des contrats à long terme (trois ans) avec les fournisseurs, car les coûts étant négociés sur une plus longue période, les DSI peuvent obtenir de meilleures remises ».
4. N'acheter que ce que l'on utilise
De plus en plus, les DSI remplacent leurs applications monolithiques par des applications modulaires. « Non seulement les premières sont coûteuses, mais elles n'apportent pas la valeur attendue. Cependant, si les DSI optent pour la modularité afin de réduire les coûts, ce changement, s'il n'est pas bien pensé, peut aller à l'encontre du but recherché », fait valoir Bob Cournoyer. « Des produits coûteux, comme les systèmes ERP, en sont un bon exemple. Beaucoup de fournisseurs d'ERP essayent de présenter leurs solutions de manière attrayante pour que les DSI les achètent. Ils incitent en particulier à investir dans la solution complète, à un tarif réduit, même si l'entreprise n'envisage pas d'utiliser tous les modules d'emblée », observe-t-il. Leur argument de vente consiste à dire au DSI qu'il peut tirer le maximum de valeur d'un sous-ensemble de modules maintenant, et que le fournisseur pourra mettre en oeuvre les autres modules plus tard, quand le DSI le souhaitera. « Ce raisonnement est trompeur, car le DSI paie alors pour des éléments qu'il n'utilise pas, juste pour profiter d'une réduction de prix et, ce faisant, il bloque une part de son capital », explique Bob Cournoyer. Les récentes mésaventures de la Nasa apportent d'ailleurs de l'eau à son moulin...
5. Évaluer en permanence son infrastructure et ses projets
Dans une entreprise, les logiciels représentent une part importante des coûts IT. Les DSI doivent donc savoir si l'utilisation des logiciels déployés est optimale. « Les fournisseurs de services cloud proposent en permanence de meilleurs options, plus rapides et moins chers. Opter pour ces offres permet de réaliser des économies », indique Madhumita Mazumdar, qui a récemment mis en place une plateforme de communication basée sur le cloud pour transformer son centre de contact et améliorer le parcours client. « Les DSI doivent également se demander s'ils utilisent toutes les ressources qu'ils ont déployées, s'ils ont choisi la bonne plateforme cloud, ou encore quelle est leur stratégie de sauvegarde, de quel type de stockage ils disposent, poursuit Madhumita Mazumdar. Aujourd'hui, on trouve de nombreuses solutions de stockage économiques sur le marché qui permettent aux DSI de conserver d'énormes quantités d'informations à très bas coût ».
Selon Vijay Sethi, de MentorKart, on peut aussi réduire de manière significative de nombreux coûts cachés au niveau des projets. « Si un projet est retardé, le DSI peut avoir à payer des frais de consulting supplémentaires. Une lenteur dans la prise de décision peut aussi générer des coûts supplémentaires, tout comme la non-disponibilité des utilisateurs, les changements fréquents des exigences ou même le manque de compétences des membres de l'équipe, qui peut entraîner beaucoup de travaux supplémentaires. Le montant de ces coûts cachés est énorme, et si ceux-ci sont bien contrôlés, cela peut déboucher sur des économies importantes. Autant d'argent que le DSI pourra utiliser pour des projets d'innovation », affirme-t-il.
6. Opter pour une approche progressive
Même si des budgets peuvent être alloués à des initiatives importantes, les DSI doivent toujours se montrer économes avec leur argent. Pour cela, mieux vaut adopter une approche progressive pour initier les projets. « Les DSI doivent déterminer si un projet essentiel à l'échelle de l'entreprise peut dans un premier temps être déployé dans quelques départements ou sites, puis étendu progressivement à d'autres départements ou sites », explique Vijay Sethi, qui enchaîne avec un exemple : « Peut-être que le renouvellement des anciens portables peut être différé ou qu'un simple ajout de RAM peut étendre la durée de vie de ces actifs d'un an ou deux ? » Des stratégies de report comme celle-ci peuvent permettre de réserver du budget à des initiatives plus innovantes, qui répondent à des objectifs métiers essentiels. Cette approche aide aussi les responsables IT à innover de façon pragmatique, même quand leurs budgets sont serrés.
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Comment créer de la valeur pour l'entreprise, même quand la marge de manoeuvre financière se rétrécit ? Des décideurs technologiques de différents pays partagent les stratégies qui leur permettent de tirer le meilleur parti de leurs budgets.
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