Les chaînes logistiques classiques se transforment en un monde d’écosystèmes dynamiques, hyperconnectés et collaboratifs, expose Deloitte dans sa 2ème enquête annuelle sur le sujet : « Supply Chain Trends 2016 ». Le panel interrogé regroupe 400 entreprises internationales dont le chiffre d’affaires annuel dépasse les 500 M$. L’écart s’est creusé entre celles qui se disent leaders en supply chain et celles qui suivent, par rapport à l'étude 2014/2015 (*). Les premières ne sont plus que 8% contre 12% il y a un an et demi. Pour 2016, Deloitte identifie 4 tendances. Outre la forte interconnexion des réseaux logistiques, le cabinet met en exergue le rôle joué par les nouvelles technologies dans les supply chains « pour générer des données, gagner en transparence et améliorer la connectivité ». Le troisième axe de développement est lié à l’émergence de l’Internet des objets qui relie les systèmes IT au monde physique, apportant une capacité à traiter l’information immédiatement et à gérer le risque le plus rapidement possible. En moyenne, le panel sondé compte investir 7 millions de dollars sur deux ans dans les nouvelles technologies en supply chain, en plus des outils classiques. Si cela ne représente que 0,7% par an sur un chiffre d'affaires de 500 M$, par exemple, cela vient en plus des investissements sur les technologies matures, fait remarquer Deloitte.
Enfin, la quatrième tendance porte sur le recrutement et la formation. La maîtrise des innovations et des flux de connaissance requièrent des compétences spécifiques. « On constate une refonte du mode opératoire avec une nécessité de collaborer, à la fois en interne et en externe à travers des services de support aux clients et des outils pour capturer plus vite l’information. Nous sommes dans une course à l’information et dans une accélération de façon générale », a souligné hier à Paris Magali Testard, associée de Deloitte spécialisée sur le conseil lié aux achats et la supply chain, lors d'un point presse. « Il y a de plus en plus d’acteurs en amont et, en aval, des clients de plus en plus exigeants ».
La gestion des talents renforce l'écart entre leaders et suiveurs
En évoluant, les besoins des professionnels de la chaîne logistique modifient donc les priorités sur les compétences à maîtriser. Parmi les domaines qui vont demander d’investir sur des talents spécifiques pour la supply chain dans le futur, 74% des entreprises interrogées citent la capacité à réfléchir stratégiquement et à résoudre des problèmes, (contre 43% seulement aujourd’hui), 68% pointent la collaboration à travers les fonctions et 67% la maîtrise des nouvelles technologies, dont les fonctions analytiques (contre 47 et 46% pour l’instant).
La gestion des talents creuse aussi l’écart entre le groupe des supply chain leaders et celui des suiveurs. Sur 11 pratiques à mettre en œuvre sur les 5 prochaines années (dont les méthodes de recrutement non traditionnelles, l’utilisation accrue d’expertise externes, l’amélioration de la diversité, les viviers de nouveaux talents et les programmes de développement informels), 43% de leaders recourent déjà à ces méthodes actuellement, contre seulement 13% de suiveurs.
Encore peu de ROI démontrés sur les technologies en croissance
Du côté des nouvelles technologies, en France en particulier, les entreprises réfléchissent à celles qu'elles pourraient en priorité déployer pour impacter positivement leur supply chain. Or, il y a encore peu de retour sur investissement démontrés, constate Deloitte. Sur les huit technologies clés de la supply chain de demain identifiées par le cabinet, quatre sont matures (les outils d’optimisation des stocks et des flux, les capteurs et l’identification automatique avec le RFID notamment, la dématérialisation de l’IT dans le cloud, la robotique et l’automatisation), deux sont encore en croissante (les analyses prédictives, ainsi que les technologies mobiles et embarquées), tandis que deux sont encore émergentes (l’impression 3D d’une part, les drones et véhicules autonomes d’autre part). Sur le big data et l’analyse prédictive, par exemple, « les entreprises en sont encore à capter les données internes, alors que ce qui est intéressant, c’est de les combiner à des données publiques », rappelle Magali Testard qui précise néanmoins que son cabinet travaille déjà sur des projets de ce type. Sur les technologies en croissance et émergentes, il y a de nombreuses expérimentations aux Etats-Unis, dans le monde de la distribution notamment. « En France, on est toujours en recherche de ROI ». L’Allemagne est plus en avance.
Dans son rapport, Deloitte fournit quelques exemples d'applications IoT dans la supply chain tel que, dans les produits d'hygiène, les capteurs pour collecter l'information en temps réel et adresser les bons produits au bon client par les bons canaux. (agrandir l'image)
Globalement, il y a une volonté à investir et à identifier des innovations qui pourraient donner aux entreprises un avantage concurrentiel, mais « les entreprises sont encore frileuses à y aller car on manque encore de recul pour justifier un business case clair et précis », confirme Magali Testard. Les responsables de supply chain veulent bien tester, mais sans business case, ils se demandent s’ils vont généraliser. Et le 2ème frein, c’est le manque de talents adaptés pour utiliser ces technologies.
En 2016, du collaboratif et de nouvelles pratiques sur les talents
En conclusion, en 2016, les entreprises vont devoir déterminer dans quelles innovations investir. Selon Deloitte, la construction d’une supply chain performante requiert certaines actions prioritaires : lancer des projets collaboratifs, combiner les solutions cloud, l’identification automatique (auto ID) et les analyses prédictives pour « créer des opportunités novatrices dans le partage de données et les services à valeur ajoutée ». Et il faut développer de nouvelles pratiques de gestion des talents, « investir dans le recrutement et la formation. C’est un point important, il y a beaucoup d’humains dans nos métiers. Au niveau de l’opérationnel, il faut comprendre que l’on n’est plus sur de la gestion des talents traditionnelle », insiste Magali Testard. Pour l'instant, les entreprises les plus en pointe sur leur supply chain se trouvent dans les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique et la distribution de détail (retail). Mais au total, ces leaders ne représentent que 8% de l'ensemble du panel étudié par Deloitte.
(*) Pour déterminer les groupes SC leaders et SC suiveurs, Deloitte fixe deux indicateurs révélateurs de performance pour lesquelles les entreprises se déclarent au-dessus ou en-dessous de la moyenne : la rotation du stock et l’OTIF (on time in full) mesurant la capacité de la SC à livrer le produit demandé, dans la quantité commandée, à l’endroit fixé et dans le délai attendu par le client
Deloitte livre aussi chaque année son analyse des principales tendances IT.
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