« Depuis plus d'un an, nous regardons ce que nous pourrions faire ensemble et très rapidement, nous avons vu qu'il y avait une opportunité intéressante pour nos deux groupes », a indiqué ce matin Thierry Breton, PDG de la SSII AtoS en ouverture du point presse présentant les objectifs de son OPA amicale sur Bull. L'offre d'Atos valorise l'action de Bull à 4,90 euros (soit 620 M€ au total), soit une prime de 22% par rapport au dernier cours de clôture (*). Aux côtés de Thierry Breton, Philippe Vannier, PDG de Bull, a confirmé que les stratégies des deux groupes étaient très proches et que la combinaison résultant de ce rapprochement serait très appréciée par ses clients. Trois domaines stratégiques sont visés par cette union. La sécurité est le premier d'entre eux. Atos veut construire sur ces technologies une offre de bout en bout avec Bull, en incluant la mobilité. « En joignant nos deux forces, nous réunissons plus de 2 000 spécialistes sur la cybersécurité et il ne se passe pas un jour où mes clients ne me parlent pas de cela », a d'abord indiqué Thierry Breton.
Le traitement des big data est le deuxième domaine ciblé par Atos et les énormes capacités de calcul apportées par Bull, spécialiste européen des supercalculateurs, seront ici mises à profit. Elles sont exploitées dans de nombreux secteurs : santé, retail, défense, automobile, aéronautique... (dernier contrat en date pour Bull avec le centre de calcul allemand pour le climat DKRZ). Quant aux serveurs Bullion, des modèles x86 haut de gamme, Philippe Vannier assure qu'ils sont essentiels dans le domaine des big data pour réaliser des appliances. « Nous nous développons énormément sur ce secteur avec une offre très ciblée ». Le troisième domaine stratégique qu'Atos compte développer concerne le cloud, sur lequel la SSII a créé il y a deux ans la société Canopy avec EMC et VMware. Atos réalise 280 M€ sur ce marché et parviendra à 400 M€ avec Bull. « A nous deux, nous allons être d'assez loin le 1er acteur européen en matière de cloud », a affirmé ce matin le PDG. Rappelons également que Bull est actionnaire d'un des deux clouds souverains, Numergy en l'occurrence.
Bull conservera sa marque sur la sécurité et les big data
Avant d'annoncer l'offre publique d'achat, les deux dirigeants ont dit avoir voulu obtenir l'unanimité de leurs conseils d'administration respectifs pour souligner l'esprit « amical » de l'opération. Et les deux actionnaires principaux de Bull, Crescendo Industries et Pothar Investments, qui représentent 24,2% du groupe, se sont déjà engagés à apporter leurs titres (**). On se souvient qu'il y a un peu plus d'un mois, Steria n'avait pas souhaité entrer en discussion avec Atos au sujet d'une offre d'acquisition ferme que la SSII lui avait faite et qui reste encore ouverte, a rappelé ce matin Thierry Breton en réponse à une question.
Le projet de rapprochement entre Atos et Bull prévoit que les activités big data et sécurité soient gérées dans une entité qui gardera la marque Bull et sera dirigée par Philippe Vannier. Elle pèsera environ 500 M€ dont 300M€ pour la sécurité, ce qui est « sans équivalent en Europe », a souligné l'actuel PDG de Bull. Les trois principaux marchés que visent les deux groupes une fois réunis présentent des taux de croissance à deux chiffres. Et il s'agit de domaines sur lesquels il n'est pas possible d'externaliser en offshore les compétences techniques clés qui sont nécessaires. « Il nous faut donc avoir la masse critique, cela devient de plus en plus important, notre industrie du service est maintenant une industrie d'échelle », a martelé Thierry Breton. « Dans le cloud, il faut vraiment des spécialistes, les architectes sont rares, il faut les former ». Le PDG d'Atos également pointé la nécessité d'avoir une grande capacité de protection via les brevets, ce que Bull possède et va notamment apporter à la SSII. Sur la partie Services, l'arrivée de Bull permettra à Atos d'ajouter 500 M€ au chiffre d'affaires de son activité infogérance qui passe ainsi à 4,69 Md€, et 320 M€ à celui de ses activités d'intégration de systèmes qui atteignent alors 3,19 Md€. Si l'on ajoute à l'ensemble de ces divisions l'activité de paiement Worldline (1,1 Md€) d'Atos, le chiffre d'affaires combiné des deux groupes réunis atteint un total de 9,877 milliards d'euros.
Une bonne complémentarité entre les groupes, selon PAC
Sur le papier, le rachat de Bull constitue une bonne complémentarité pour Atos sur des offres en forte croissance, estime Franck Nassah, partenaire du cabinet Pierre Audoin Consultants, vice président senior Opérations. « Aujourd'hui, avec le mouvement de digitalisation des entreprises, tant sur la IT que sur les métiers, de plus en plus d'offres vont être proposées à la demande. Les SSII vont avoir besoin de construire un écosystème autour d'elles et l'offre de services ne sera pas suffisante ». Le consultant souligne aussi l'importance que va prendre la propriété intellectuelle dans ce contexte. Or, « Bull est une société d'ingénieurs et ils ont de très bons produits », souligne-t-il, même si le groupe a longtemps gardé l'image d'une structure fondée par l'Etat. « Bull fait partie des leaders mondiaux sur le marché du HPC. Coupler cela à une force de vente plus importante, c'est intéressant. » Et proposé sous forme de cloud, ces capacités de calcul deviennent accessibles à tout type d'entreprises qui peuvent les louer à la demande, alors que jusqu'à présent, les supercalculateurs n'étaient principalement acquis que par de grandes entreprises et des utilisateurs institutionnels tels que le CEA.
Pour Franck Nassah, le rapprochement entre Atos et Bull est intéressant pour les deux structures dans un contexte où il n'est pas bon de rester moyen en termes de taille. Les groupes qui ne sont pas suffisamment gros pour le marché mondial peuvent constituer une cible. Les sociétés françaises se rapprochent pour ne pas se faire absorber par plus gros. Par ailleurs, Atos est rodé sur les acquisitions. En 2010, la SSII avait déjà repris l'entité de services informatiques de Siemens.
Pas de plan social en France
Ce matin, Atos et Bull ont confirmé que leur union devrait leur permettre de réaliser 80 millions d'euros de synergies de coûts en deux ans, dont 30 M€ sur les coûts de structure (immobilier, notamment). « En termes de génération de cash, nous nous étions engagés sur une fourchette située entre 450 et 500 M€, l'acquisition de Bull va nous permettre d'être sur la partie haute de cette fourchette », a également indiqué Thierry Breton.
Concernant l'emploi, le PDG d'Atos a indiqué qu'il n'y aurait pas de plan social en France. « Dans nos métiers, chez Bull et Atos, nous avons environ 10% d'attrition par an ». Les restructurations devraient s'inscrire dans ce cadre. Sur ce point, Franck Nassah, de PAC, confirme que le taux d'attrition en SSII dépasse souvent les 10% mais que le plus important dans ce domaine, c'est bien d'être en mesure de garder ses forces vives. Bull compte 9300 collaborateurs répartis dans plus de 50 pays dont 700 personnes entièrement dédiées à la R&D. L'effectif total d'Atos était de 76 320 salariés fin décembre 2013.
Parmi les clients sur lesquels Bull et Atos travaillent en commun figurent le ministère des finances, Pôle Emploi, la CNAM, le CEA, ainsi que plusieurs clients dans le domaine de la santé. « Il y a de très nombreuses offres que nous faisons ensemble », a rappelé Philippe Vannier.
(*) L'offre d'Atos aux actionnaires de Bull représente une prime de 30% sur la moyenne du cours de l'action Bull pondérée par les volumes sur les trois derniers mois (3,77 €). Elle porte aussi sur les Oceanes de Bull en circulation au prix de 5,55 € par Oceane. Cette offre valorise la totalité du capital de Bull sur une base totalement diluée à environ 620 millions d'euros.
(**) Philippe Vannier est président du directoire de Crescendo Industries.
Avec Bull, Atos veut devenir le 1er acteur européen du cloud
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Cybersécurité, big data et cloud, tels sont les trois marchés sur lesquels Atos entend cibler son développement avec l'acquisition de Bull. Le rapprochement prévoit 80 millions d'euros de synergies de coûts en deux ans. Il n'y aurait pas de plan social en France.
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